TOUT EST DIT

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samedi 11 février 2012

Michelle Obama et le droit à la colère

Washington, correspondante - Michelle Obama a-t-elle le droit d'être agacée ? Frustrée ? En colère ? La simple mention, dans un livre sur le couple présidentiel américain, que la First Lady a parfois des mouvements d'humeur a lancé un débat qui a fait ressortir les stéréotypes sur les femmes en général et les Afro-Américaines en particulier. 
Le livre de Jodi Kantor, journaliste au New York Times, The Obamas (Little, Brown), sorti en janvier, et auquel le couple présidentiel a refusé de collaborer, dépeint Michelle comme une femme qui essaie de résister à la normalisation de la fonction de First Lady. Au début, elle caresse même l'idée de rester à Chicago, en attendant que ses enfants finissent l'année scolaire. A la Maison Blanche, elle cherche sa place, sachant - ou croyant - que tout le monde guette ses erreurs.

Mais c'est elle aussi qui essaie de maintenir une certaine fidélité aux idéaux. Elle s'insurge contre les conseillers qui la tiennent à l'écart, alors qu'ils laissent s'étioler l'aura de son mari. Elle se fâche avec Rahm Emanuel, le directeur de cabinet, qui propose de laisser tomber la réforme de la santé, trop difficile à imposer. Elle inspire une certaine crainte, ne serait-ce que par son esprit caustique. Il arrive au président, "perpétuellement coupable de tout ce qu'elle a abandonné pour lui", d'essayer d'apaiser son épouse avec un dîner à New York, affirme Jodi Kantor.
"ANGRY BLACK WOMAN"
Compte tenu du stress que génère la position, le portrait est plutôt flatteur. Mais Michelle Obama a réagi sur la défensive, reprochant à la presse de ne retenir que les conflits de personnes et de lui donner un rôle de dragon. "C'est une image que les gens ont essayé de me coller depuis le jour où Barack a annoncé sa candidature, a-t-elle confié à la chaîne CBS. Celle d'une femme noire en colère."
"Angry black woman" : le terme était lâché. Une caricature à laquelle s'expose tout tempérament entier. "Encore une fois, quelque chose que les femmes ne peuvent jamais être : en colère", a résumé l'éditorialiste Kathleen Parker dans le Washington Post. A ceci près que, cette fois, Michelle Obama elle-même avait anticipé la critique, signe s'il en est de la complexité de l'intériorisation des clichés. Il est vrai que, pendant la campagne électorale, elle avait déjà dû faire face aux critiques des conservateurs sur ce thème. Parce qu'elle avait à l'époque relativisé sa fierté patriotique.
L'épisode a généré un débat sur la situation des femmes noires sous l'ère Michelle Obama. Transformées et en même temps toujours célibataires (à 70 %). Pour Melissa Harris-Perry, professeur de sciences politiques à l'université de Tulane en Louisiane et auteur de Sister Citizen : Shame, Stereotypes and Black Women in America (Yale University Press, 2011), les Afro-Américaines continuent d'être enfermées dans des représentations figées : forte femme, lascive ou en colère. Elles ne sont "pas reconnues" par la société, mais pas non plus par elles-mêmes. Les femmes déclarent que leur priorité est leur carrière (68 % contre 48 % pour les Blanches), héritage selon elles du lourd passé enduré par les femmes au travail.
Michelle Obama leur a donné une incarnation. Neuf Afro-Américaines sur dix estiment qu'elle comprend leurs problèmes et partage leurs valeurs contre cinq sur dix dans le cas des femmes blanches. "Elle est incroyablement ordinaire, jusque dans son côté unique. Elle a la peau marron et les formes d'une Noire. Elle a les cheveux typiques d'une fille noire. Elle est là, comme une soeur, explique Melissa Harris-Perry. Ce qu'elle nous donne, c'est la possibilité d'imaginer l'Amérique à travers nous-mêmes." Colère comprise.

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