TOUT EST DIT

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lundi 12 décembre 2011

L'échec de "Merkozy"

L'accord du lundi 5 décembre entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, que ceux-ci ont réussi à imposer à leurs "partenaires" européens au sommet des 8 et 9 décembre à Bruxelles est-il une solution audacieuse aux dilemmes du continent, ou une insipide bouillie ?
Deux têtes, dit-on, valent mieux qu'une. On ne peut pas dire que le couple formé par la chancelière allemande et le président français ait confirmé l'adage. Comme les Bourbon, ces dirigeants donnent plutôt l'impression de n'avoir rien appris ni rien oublié.


Il a été décidé, semble-t-il, de ne pas contraindre les détenteurs d'obligations privés à essuyer des pertes lors des sauvetages de pays de la zone euro, même si l'on n'écarte pas la possibilité de restructurations volontaires. De rendre plus probables, mais pas automatiques, les sanctions à l'égard de pays qui échoueraient à respecter les limites imparties aux déficits budgétaires. D'inscrire dans la législation des pays membres l'obligation d'un budget équilibré. De mettre en place le Mécanisme européen de stabilité (MES) - l'instrument permanent de sauvetage - dès juillet 2012 et non plus en juin 2013. Et enfin, de prévoir pendant la durée de la crise, des réunions mensuelles des chefs d'Etat et de gouvernement européens afin de superviser la coordination des différentes politiques.
PLUS QUESTION DE SANCTIONS AUTOMATIQUES
Plus question, donc, de contraindre le secteur privé à s'impliquer dans la restructuration de la dette, ce qui réjouira la Banque centrale européenne (BCE). Plus question de sanctions automatiques contre les "pécheurs" budgétaires ni d'examen des violations des règles budgétaires par la Cour européenne de justice.
Cela ravira la France, qui a aussi obtenu qu'au lieu d'un nouveau traité de l'Union européenne un accord intergouvernemental entre membres de la zone euro puisse éventuellement être conclu. L'Allemagne n'est pas repartie les mains tout à fait vides : elle a réussi une fois de plus à écarter tout recours aux eurobonds. Mais elle n'a pas obtenu grand-chose.
Cet accord est-il de nature à encourager la BCE à intervenir plus massivement sur les marchés de la dette souveraine ? Son nouveau président, Mario Draghi, a déclaré le 1er décembre devant le Parlement européen qu'un accord liant les gouvernements sur la question des finances publiques serait "l'élément le plus important pour commencer à rétablir la confiance" des marchés financiers. "D'autres éléments pourraient suivre, a-t-il ajouté, mais l'ordre d'application est important."
Les mesures budgétaires et les réformes annoncées à Rome pourraient contribuer à donner à la BCE le feu vert pour ces "autres éléments".
UN CERTAIN ESPOIR
La réponse des marchés avait, dans un premier temps, traduit un certain espoir : le 5 décembre, les obligations espagnoles à dix ans étaient descendues à 5,2 % et celles de l'Italie à 6,3 %. Mais l'agence de notation financière Standard & Poor's a décidé de placer toute la zone euro sous surveillance négative, et au matin du 9 décembre restaient attentistes.
La fragilité est toujours le mot d'ordre.
Ce que nous avons entendu de la bouche de M. Sarkozy et de Mme Merkel n'incite guère à la confiance. Le problème est que l'Allemagne - puissance hégémonique de la zone euro - a un projet, mais que ce projet est maladroit.
La bonne nouvelle, c'est que l'opposition d'une partie de la zone euro empêchera sa pleine mise en oeuvre. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il ne semble y avoir pour l'instant aucune meilleure possibilité.
Le credo allemand est que c'est l'indiscipline budgétaire qui a été à l'origine de la crise. Mais l'examen des déficits budgétaires moyens de douze pays significatifs de la zone euro de 1999 à 2007 indique que tous, sauf la Grèce, se situaient en dessous de la fameuse limite des 3 % du PIB. De plus, les quatre pires bilans en la matière après la Grèce étaient l'Italie, puis la France, l'Allemagne et l'Autriche.
En revanche, l'Irlande, l'Estonie, l'Espagne et la Belgique ont enregistré de bonnes performances au cours de ces années. Ce n'est qu'après la crise que des détériorations énormes (et inattendues) des positions budgétaires ont frappé l'Irlande, le Portugal et l'Espagne (mais pas l'Italie). Les déficits budgétaires ne laissaient donc en rien prévoir une crise imminente.
Passons maintenant à la dette publique. Ce critère aurait désigné comme fauteurs de troubles la Grèce, l'Italie, la Belgique et le Portugal. Mais la position de l'Estonie, de l'Irlande et de l'Espagne était infiniment meilleure... que celle de l'Allemagne. En vérité, au vu de ses performances, l'Allemagne d'avant la crise paraissait bien vulnérable. Mais, là encore, la situation a rapidement changé avec la crise. Le cas de l'Irlande est stupéfiant : en cinq années, elle a enregistré un bond de 93 points de pourcentage du ratio dette publique nette sur produit intérieur brut.
Prenons enfin la moyenne des déficits des comptes courants sur la période. D'après ce marqueur, les pays les plus vulnérables étaient l'Estonie, le Portugal, la Grèce, l'Espagne, l'Irlande et l'Italie. Voilà enfin un indicateur pertinent !
CRISE DES BALANCES DES PAIEMENTS
La crise actuelle est donc une crise des balances des paiements. En 2008, le financement privé des déséquilibres extérieurs a connu un arrêt brutal : le crédit privé s'est tari. Depuis lors, les sources publiques ont été appelées à jouer le rôle de financiers.
Si le pays le plus puissant de la zone euro refuse de reconnaître la nature de la crise, la zone euro n'a aucune chance de la résoudre ni d'empêcher qu'elle se reproduise. Certes, la BCE peut replâtrer provisoirement les fissures. A court terme, son intervention est même indispensable, puisqu'il faudra du temps pour procéder aux ajustements extérieurs. Mais au bout du compte, l'ajustement extérieur est vital. Et il est beaucoup plus important que l'austérité budgétaire.
Une fois cela admis, le problème central sera l'amélioration de la compétitivité. Si l'on écarte l'hypothèse que certains pays puissent sortir de la zone euro, cela exige que celle-ci connaisse une économie dynamique, une inflation plus forte et une expansion vigoureuse du crédit dans les pays excédentaires. Tout cela paraît inconcevable aujourd'hui. C'est pourquoi les marchés ont raison de manifester une telle prudence.
En l'absence d'intégration budgétaire et financière, le refus d'admettre qu'une union monétaire est vulnérable à des crises des balances des paiements rend quasiment certaine une nouvelle crise. Pire, se focaliser sur l'austérité budgétaire est la garantie que, comme nous le constatons aujourd'hui, la réponse aux crises sera procyclique.
Peut-être que la bouillie concoctée à Paris permettra à la BCE d'agir. Peut-être qu'elle apportera une période de répit, quoique j'en doute. Il reste que la zone euro cherche toujours des remèdes efficaces à long terme. Il est satisfaisant de constater que l'Allemagne n'ait pas réussi à obtenir des mesures de discipline budgétaire plus dures et plus automatiques, car cette exigence est fondée sur une analyse erronée.
Cette crise est une crise des balances des paiements. Résoudre ce genre de crise dans le cadre d'une économie fermée de grande taille exige d'énormes ajustements de part et d'autre. Tout le reste n'est que commentaire (cette chronique est publiée en partenariat exclusif avec le "Financial Times". © "FT". Traduit de l'anglais par Gilles Berton).

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