TOUT EST DIT

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mercredi 13 avril 2011

Tirs nourris d’hypocrisies

Ce n’est pas une nouveauté ivoirienne: le mensonge fait partie intégrante de la diplomatie. Encore faut-il qu’il soit crédible dans la bouche de ceux qui le profèrent avec un talent d’arracheurs de dents, et que ceux qui le dénoncent ne fassent pas semblant d’y croire sur le grand air du secret d’État. Hier, cette délicate figure de style a été ridiculisée par les uns comme par les autres. Au regard de cette séquence, on ose espérer que la majorité comme l’opposition travailleront un peu leur art du camouflage sémantique car la prestation a été proche du risible, ce qui est toujours embarrassant quand la situation est grave. S’il faut mentir, autant le faire bien. C’est un devoir aux yeux de l’Histoire...

Mais qui pourra croire le Premier ministre sans sourire quand il affirme que les soldats français sont sagement restés sur le seuil de la demeure de Laurent Gbagbo? Alors, c’est ça, ils ont dit, comme dans un sketch des Inconnus: «Ça ne nous regarde pas», on n’y va pas, et ils ont détourné pudiquement les yeux? François Fillon joue sans doute sur le mot «soutien» tant il apparaît clair que l’appui des troupes françaises a été décisif pour faire tomber l’ancien président ivoirien.

Soyons clairs: la France n’avait pas le choix. Elle a pris ses responsabilités en mettant les mains dans le cambouis et elle a été logique avec sa stratégie en finissant le travail à Abidjan. Mais qui le chef du gouvernement pense-t-il abuser en tentant de faire croire que la France n’est pour rien dans l’arrestation finale de celui qui a empoisonné les relations franco-ivoiriennes depuis dix ans? Tout le monde a bien compris à Paris comme dans toute l’Afrique qu’il n’est dans l’intérêt ni de l’ancien colonisateur, ni du président Ouattara de voir la main de la France derrière la chute de Gbagbo. Mais était-ce nécessaire de jouer à ce point les innocents sous couvert de neutralité onusienne? Les chefs d’État africains ont dû sourire en entendant cette langue de bois en teck massif, tellement énorme, qu’elle cache forcément quelque chose.

L’opposition n’est pas en reste. Pour avoir exercé le pouvoir, la gauche sait parfaitement que M. Juppé ne pouvait pas dire la vérité et claironner partout que la France avait fait ce qu’il fallait jusqu’au bout pour arriver à déboulonner Gbagbo. Le quai d’Orsay n’allait tout de même pas tirer une balle dans le pied de son protégé Ouattara, qu’il avait eu tant de mal à porter jusqu’au pouvoir.

Les gesticulations auxquelles on a assisté à Paris ne sont que des postures d’amateurs. Sauf une: pourquoi le pouvoir exécutif persiste-t-il à mettre systématiquement le parlement hors-jeu sinon pour lui faire approuver le fait accompli? Un débat - un vrai celui-là - serait pourtant justifié pour faire réfléchir la représentation nationale sur la place de la France, qui reste à trouver, dans l’Afrique du XXI e siècle.

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