TOUT EST DIT

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samedi 12 novembre 2011

Contre le vertige

Le monde ne nous lâche plus. Il déferle en funestes accélérations qui défient toute maîtrise. Accélération démographique de la fourmilière humaine : il fallut 7 millions d'années pour qu'elle atteigne, il y a deux siècles, son premier milliard, mais elle l'aura depuis multiplié par sept : vertige ! Accélération de la crise du système marchand né d'un fol endettement occidental : vertige ! Accélération, sur notre Vieux Continent, d'un incendie politique qui, parti du foyer grec, met tout l'Euroland dans la panique : vertige ! Accélération, enfin, de l'impitoyable imbrication d'une planète globalisée. Les 20 nations les plus riches de la Terre ont vu, à Cannes, leurs louables gamberges bousculées par une onde de choc prémonitoire : après le coma de la petite Grèce, les convulsions de l'Europe ont remué jusqu'à l'immense Chine, inquiète d'une clientèle aux abois.

Pour l'heure, ces séismes et leurs répliques ébranlent surtout le piédestal occidental. Aux Français, fort exposés, il ne reste que l'usage et le courage de la raison. Elle suggère des soins radicaux avant que ne s'imposent les soins palliatifs.

Sur l'accélération démographique mondiale, je suis loin de partager l'enjouement des religions natalistes et de maints démographes. Ils sont ravis - nous aussi - de constater, contre Malthus, que la Terre est encore théoriquement capable de nourrir les 9 milliards qui se profilent. Ravis encore de saluer la chute impressionnante de la fécondité dans les pays riches et émergents. Et d'en déduire que la population humaine va enfin décroître dans un demi-siècle.

Hélas, la décrue annoncée, lente et inégale, discrédite toute comptabilité globale. Six milliards de pauvres décroîtront moins vite que le milliard de riches. L'Europe rétrécit mais l'Afrique, en doublant, atteindra les 2 milliards. La Chine, avec plus de 20 % de l'humanité, ne détient que 10 % des terres arables et reparle d'"espace vital" ! Surtout, l'inégalité est grosse de migrations massives, de tensions et de conflits autour de ressources limitées en eau et en énergies fossiles. Enfin, et ce n'est pas le moindre, la prolifération actuelle accroît la surcharge écologique, l'effet de serre, les mégalopoles polluées.

Les remèdes ? Chez les pauvres, évidemment, l'éducation, l'école des filles : instruites, elles limitent des naissances pour 40 % non désirées. Mais, en Afrique (voire en Amérique), le déclin des puissantes religions natalistes - chrétienté, islam - n'est pas pour demain. Et chez les riches, et ceux qui le deviennent, le frein à la surconsommation, non plus ! Or les pauvres et les émergents en rêvent. Si toute l'humanité consommait comme nous, la vie sur Terre deviendrait intenable. On en est encore loin. Et l'optimisme niche pour les uns dans ce répit. Pour d'autres, dans le refus de rêvasser aux énigmes d'un avenir reculé. L'espérance aux ailes rognées ne vole pas si loin.

L'avenir immédiat suffit d'ailleurs amplement à occuper la France. Sa longue incurie lui impose une dure épreuve politique et culturelle. Elle a vécu, trente années durant, au-dessus de ses moyens. Elle l'ignore ou veut l'ignorer. Son peuple vit dans la sacralisation des "avantages acquis", des certitudes acquises."Une société en fin de course vivant d'acquis sociaux", dit un financier chinois.

Dans l'Europe, qu'une majorité, à droite et à gauche, soutient encore de ses voeux, la France n'a pas le prestige qu'elle affiche. La fermeté et l'énergie indiscutables de Sarkozy l'ont à deux reprises, en 2008 et ces jours-ci, écartée du gouffre. Mais elle doit ce sauvetage à une entente étroite, acharnée, avec une Allemagne qui se porte mieux qu'elle.

La France parle mieux qu'elle n'agit. Elle a plus d'imagination que de capacité. Sarkozy lui-même a, dans ses débuts euphoriques, cédé aux sirènes du déficit et refusé, dans l'état de grâce de son élection, la diète sévère qui désormais s'impose avec une sévérité accrue. La Grèce est agonisante. L'Italie sous une semi-tutelle. La France sent le vent du boulet.

On sait où, chez nous, le bât blesse. C'est que le peuple refuse de plus en plus sa confiance aux dirigeants qui ne l'ont que trop abusé. La démocratie représentative bat de l'aile. Le pire se cache dans sa décadence. Quand la providence défaille, c'est l'homme providentiel que l'on invoque vainement avec ses recettes à l'emporte-pièce. Quant à notre élection présidentielle, elle jettera dans la balance le pire : la démagogie. Et le meilleur : la pédagogie de vérités longtemps cachées.

Contre le vertige souverainiste, l'Euroland ne se sauvera qu'avec un supplément vital de gouvernance commune. C'est peu dire que le consensus sera difficile à débusquer. S'il advient, il obéira aux règles des pays vertueux. La France doit, mordicus, en faire l'apprentissage. Faute de quoi sa voix, encore audible, se perdra dans le vent...

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