dimanche 2 octobre 2011
PS : douleur blanche
Un capitalisme financier hystérique imposant ses caprices à des peuples hébétés et, chez nous, la dette publique, le chômage de masse, un pouvoir affaibli par le décri du président, voilà, se dit-on, qui livrera aux socialistes l'Elysée sur un plateau ! Est-ce si sûr ? Le PS, en tout cas, ne fait pas le faraud. Il n'est pas dans son assiette. Il attend que la primaire lui dispense un leader, un cap et du coeur au ventre. Une petite révolution.
Il fut un temps où la gauche française avait toujours 20 ans et l'espérance violente de la jeunesse. Son coeur battait à l'unisson des "damnés de la Terre". Elle dépliait pour tous son rouge tablier. Son "Internationale" chantait "Du passé faisons table rase (...), le monde va changer de base...". Mais voilà ! Le nouveau train du monde laisse la gauche sur le quai. Pourquoi ? Parce que la chute du communisme a congédié la déesse Révolution et que l'horizon de toute la gauche en est désenchanté. Le PC, seul, est défoncé. Mais le socialisme français subit, lui, les dommages collatéraux d'un effondrement historique.
D'autant que l'avenir du monde n'est plus ce qu'il était. Les damnés de la Terre ont pris leur destin à bras le corps. Ils renvoient à notre gauche de "riches" ses beaux discours contre l'oppression des faibles. Car les faibles, ce sont eux ! De la mondialisation et de sa jungle ils s'accommodent sans broncher. Ils attendent des lendemains qui chantent mais chanteront pour eux. Ils tiennent nos pauvres pour enviables. Ils n'aspirent qu'à les rattraper. Si bien que notre gauche qui fut jeune et ardente devient une ménagère de 50 ans empruntée et défensive. Elle court après sa jeunesse et une marmaille dispersée.
Vous objectez que le socialisme français a déjà amplement liquidé sa nostalgie révolutionnaire. C'est presque vrai ! Mais, s'il demeure le plus à gauche de tous les socialismes européens, c'est qu'il souffre encore vaguement de la mise au tombeau de la Révolution. D'une douleur blanche, comme celle du mutilé souffrant de son membre perdu. Dans ce deuil inachevé, il lui reste un patrimoine, une tradition, un territoire d'opposition, les vestiges du magistère intellectuel acquis à sa cause, une religiosité diffuse dans la fonction publique, dans l'enseignement paupérisé... Et, pour ranimer la flamme, l'aspiration égalitaire, toujours plus vivace chez nous que chez nos voisins.
François Mitterrand fut le grand accoucheur de ce socialisme à l'identité flottante. Converti tardif, il a fait du PS un marchepied vers le pouvoir. Il est élu en 1981, en rassemblant toute la gauche dans le Programme commun. A contre-courant du monde, il prétend "rompre avec le capitalisme". Mais, en 1983, il sort de son chapeau une révolution empaillée et le capitalisme de M. Tout-le-Monde. Il expédie sa gauche, devenue notre ménagère de 50 ans, au supermarché des "avantages acquis", de la retraite à 60 ans, et après lui des 35 heures ruineuses, autant d'aménités financées par la dette publique. Le malaise identitaire du PS vient de cet escamotage : être promu, en 1981, sur une illusion et l'avoir, en deux ans, perdue. Mais tout ce tête à queue dans le brouillard, sans vraie reconstruction !
La grande affaire pour le PS, c'est de se réconcilier avec l'histoire et la géographie. Avec l'histoire, en visitant son cimetière. Avec la géographie, en constatant que la mondialisation qui déferle se meut dans l'économie de marché comme un poisson dans l'eau. Le système capitalisme s'y déploie comme le moins systématique des systèmes. Son organisme monétaire est détraqué, mais il va son chemin cahin-caha, ici avec des démocraties naissantes, là, comme en Chine, avec le dirigisme despotique du Parti. Notre fol endettement de vieux riches apparaît à tous les "émergents" comme le vice de vieillards exténués qui font payer à la postérité leurs derniers délices.
Cela, le PS l'a enfin compris ! Il laisse au Front de gauche, au Front national et à leurs sabres de bois le soin de guerroyer contre des moulins à vent. S'il parvient à gérer la délicate innovation de la primaire, le PS peut repartir d'un meilleur pied. En offrant au candidat désigné par le "peuple de gauche" une légitimité surplombant un appareil délabré, le PS épouse la logique de la Ve République. Une ascèse pour nettoyer ses placards de leurs vieilleries idéologiques et redonner du corps à l'ectoplasme du parti. La crise, la dette enfermeront, bon gré mal gré, les candidats dans la règle d'or de budgets maîtrisés. Sur le chemin où le socialisme allemand a trouvé sa voie, le PS peut découvrir la sienne. Que cette gauche, dans le miroir de la crise, se refasse une jeunesse, c'est, ma foi, la grâce qu'on lui souhaite !
Je ne vote certes pas à sa primaire. Mais je lui souhaite bon vent. Dans une démocratie éreintée par trente années d'incuries, l'avènement d'une opposition rénovée servirait, à sa manière, l'intérêt national. La gauche n'a que trop rêvé. Faut-il, ce coup-ci, rêver pour elle ?
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