L'Europe peut-elle maîtriser les dérives des marchés financiers?
Nous y travaillons activement depuis le G20 de 2008. Nous avons déjà créé trois autorités de surveillance des marchés. D'autres mesures sont en préparation. Plusieurs mesures seront soumises au vote du conseil des ministres et du parlement en octobre ou novembre. Par exemple la mise en place d'un cadre de résolution des crises bancaires. Nous travaillons sur la maîtrise des produits financiers dérivés, parfois toxiques, qui représentent 600.000milliards de dollars de transactions se déroulant sans transparence avec des gens qui en général n'aiment pas beaucoup la lumière. Il sera obligatoire de les enregistrer. Les marchés ont besoin de transparence et de morale. Nous travaillons à les remettre en ordre et au service de l'économie.
Que proposez-vous aux PME qui ont parfois le sentiment de ne pas être suffisamment protégées et soutenues par l'Europe?
Sur 20millions d'entreprises en Europe, 80% sont des PME. Le sentiment général c'est que le marché unique n'est pas fait pour elles, mais pour les grandes entreprises. Je veux changer cet état d'esprit, concrètement. C'est ainsi que nous avons travaillé sur douze leviers pour relancer la croissance et le bon fonctionnement du marché. C'est «l'Acte pour le marché unique». Nous voulons faciliter l'investissement, l'exportation, la mobilité, l'innovation. J'ai ainsi proposé la création d'un brevet unique européen divisant son coût par neuf. Nous allons le délivrer fin 2011 ou début 2012. Je souhaite également rendre plus accessibles les appels d'offres publics aux PME.
L'Europe a-t-elle une politique industrielle face à nos grands concurrents mondiaux?
L'Europe devrait faire plus dans ce domaine. Comme on a bâti une politique agricole commune, le moment est venu de définir une politique industrielle. Il faut investir davantage ensemble dans l'innovation, avoir des politiques pour protéger nos actifs économiques stratégiques de demain. La bonne protection est dans l'investissement. Il faut aussi se battre pour pratiquer la réciprocité avec nos grands partenaires. Je me bats pour l'indépendance de l'Europe.
Nos banques vont-elles résister à la crise?
Nous n'avons pas attendu le FMI pour demander aux banques de se renforcer. Ce travail a commencé depuis trois anset se poursuit. Les banques européennes ont renforcé leur capital de 420milliards depuis 2007, complétés d'ici à 2019 par 450milliards. Les banques européennes, notamment françaises, sont globalement robustes.
La faiblesse grecque fragilise pourtant le système.
L'exposition des banques françaises à la dette grecque n'est que de 8milliards d'euros, alors qu'elles ont réalisé 11milliards de bénéfices ce premier semestre et disposent de 230milliards de fonds propres. Elles sont capables de faire face. Il faut garder son calme; la Grèce ne représente que 2% du PIB européen.
La Grèce pourra t-elle rembourser?
L'avenir de la Grèce est dans l'euro, et la zone euro démontre sa capacité de résistance et de solidarité. La première étant de respecter les règles qu'on choisit en commun, ce qui n'a pas été le cas pour plusieurs pays. Nous sommes face à un pays faible qui n'a pas été bien gouverné, qui n'a pas su se réformer et est obligé de faire tout en même temps. Cela demande beaucoup de courage au peuple et au gouvernement grecs. En Europe et au FMI, nous avons fait le choix du redressement, d'éviter le défaut, d'étaler le remboursement. Nous donnons du temps à la Grèce, nous l'accompagnons. Même si c'est difficile, c'est possible et toute autre hypothèse aurait des conséquences plus lourdes.
La crise ne met-elle pas en danger l'Europe?
On doit sortir de ces crises par le haut, c'est-à-dire par le fédéralisme économique et plus de démocratie. On a créé l'euro, un outil fédéral, sans l'accompagner des structures de gouvernance économique. C'est le moment de le faire.
Y a t-il un complot américain contre l'euro?
Je ne crois pas à la thèse d'un complot. Je crois que l'intérêt des États-Unis, et c'est ce que pense l'administration américaine, c'est que l'Europe soit forte pour l'économie ou la défense. Ils ne peuvent pas porter tous les problèmes du monde. Le souci vient moins des gouvernements que d'acteurs financiers qui ont comme logique de faire le maximum de profit dans le minimum de temps, et qui n'aiment pas la lumière, l'euro, la gouvernance de l'Europe. Ces gens préfèrent l'obscurité et la dérégulation, et c'est pour ça que le pouvoir politique doit reprendre le dessus.
Sur la régulation des marchés, les États-Unis sont-ils sur la même longueur d'onde?
Nous travaillons en bonne intelligence, en confiance et sans naïveté avec les États-Unis. Je me suis rendu là-bas quatre fois cette année pour harmoniser nos positions sur la régulation des marchés financiers. Par exemple sur le trading à haute fréquence, ou les produits dérivés. Mais les Américains n'ont toujours pas appliqué les nouvelles règles de Bâle II renforçant la solidité financière des banques, alors que nous avons déjà adopté Bâle III. Idem sur les normes comptables qu'ils ne mettent pas en oeuvre, ni sur l'ouverture des marchés publics. Cela ne peut pas continuer. Nous allons d'ailleurs proposer la mise en oeuvre des mesures de réciprocité avant la fin de l'année.
Politiquement les dirigeants prennent la mesure des réformes à faire?
Dans cette crise j'observe les changements positifs que les Européens sont en train d'opérer sur le désendettement. Je note que pour la première fois un débat présidentiel en France devrait aborder le désendettement et l'Europe! On ne fait pas de la croissance avec des dettes.
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