Pour le directeur de la Fondapol, Dominique Reynié, le candidat qui sera désigné mènera, s'il est élu, «une politique de centre droit».
-Comment jugez-vous la situation actuelle du PS?
Dominique REYNIÉ. -Je vois quatre paradoxes: le Parti socialiste est devenu un parti d'élus dont les électeurs n'appartiennent plus aux classes populaires; ennemi historique de l'élection présidentielle, le PS est devenu, avec la primaire, le plus présidentialiste des partis; électoralement, le PS est dépendant des salariés de l'État, qui représentent pourtant, dans le monde du salariat, les catégories les moins exposées à la nouvelle économie; enfin, aujourd'hui, la gauche étant minoritaire en intentions de vote (40%), le PS ne peut gagner en 2012 sans un apport massif du centre droit.
La primaire ne montre-t-elle pas la vitalité du PS?
Elle forme une procédure d'arbitrage des ambitions personnelles dans des partis où l'autorité intellectuelle et politique a disparu. C'est une manière de trancher quand personne ne parvient à faire valoir un point de vue. Les commentaires ont exagéré leur valeur. La primaire traduit aussi bien la fragilité de nos organisations politiques que le désarroi intellectuel de leurs chefs. La primaire étant une procédure de sélection, il y aura nécessairement un candidat choisi, mais cela n'implique pas que ce candidat aura fait triompher son point de vue, ni même qu'il possédera un véritable point de vue. Le parti se ralliera au résultat de la procédure plus qu'aux idées du candidat. La primaire révèle la faiblesse idéologique du PS.
Le recours à la primaire est malgré tout une avancée démocratique.
Si vous me permettez un jeu de mots, les primaires marquent le ralliement du PS à la présidentialisation avec «âme et bagages». Leur mise en place va propager en profondeur dans le parti une culture politique de la personnalisation. Pour compter au sein de ce parti, il faudra en passer par là. Les primaires traduisent le renoncement du PS à son grand projet institutionnel, qui a toujours reposé sur l'idée d'un pouvoir collectif et non personnel.
Le PS serait-il coincé par son électorat naturel issu de la fonction publique?
Au cours des trois débats, pas une seule mesure de réduction de la dépense publique n'a été proposée ! Les candidats ne sont pas parvenus à s'émanciper de leur clientèle électorale historique que constituent les membres de la fonction publique. Au contraire, on a entendu des promesses de création de postes et de valorisation des rémunérations. Pourtant, les candidats savent bien que pour gagner en 2012, les socialistes devront montrer qu'ils sont déterminés à rétablir l'équilibre budgétaire, ce qui est impossible sans réduction de la dépense publique. Du coup, on a beaucoup entendu parler d'impôt…
La social-démocratie a-t-elle encore un avenir?
En Europe, nous vivons l'épuisement de l'État-providence pour des raisons démographiques, économiques et financières. Après l'effondrement du communisme, en 1989, on assiste depuis 2008 à la disparition de la social-démocratie. Aujourd'hui en Europe, lorsque la gauche accède au pouvoir, ce qui devient très rare, elle y parvient dans un contexte qui la prive des moyens d'appliquer son programme. Du coup, les partis de gauche qui veulent rester des partis de gouvernement organisent leur glissement vers le centre. Le PS n'y échappe pas. C'est à mon avis le projet de François Hollande, récemment conforté par le renoncement de Jean-Louis Borloo. En ce sens, il y a une «droitisation» du Parti socialiste. Hollande fait le pari que l'électorat centriste lui fournira l'apport nécessaire à la victoire. Compte tenu de la crise des finances publiques, le candidat du PS devra donc tenter de rassurer la fonction publique sans inquiéter les salariés du privé, car sans l'apport des électeurs centristes, il sera battu au second tour. Dimanche, les électeurs de gauche vont choisir un candidat qui, s'il est élu, mènera une politique de centre droit.
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