TOUT EST DIT

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vendredi 21 octobre 2011

Hollande, le nouveau favori

Pour la gauche et les médias, c’était l’élection idéale. Depuis la chute de Dominique Strauss-Kahn, François Hollande était leur favori. La primaire socialiste se jouait exclusivement entre candidats de gauche, on était entre soi – et le prétendant le plus à droite, Manuel Valls, n’y représentait que 6 % des voix. C’était donc bien une élection idéale.
Sauf que ce n’était pas l’élection présidentielle. À partir de maintenant, tout change. La campagne commence, la bataille n’a plus le même sens.
Le point le plus intéressant dans le succès de François Hollande est celui-ci : pour la première fois, un candidat socialiste ne s’impose pas aux socialistes en les prenant par la gauche – mais par la droite, ou plus exactement par le centre. Depuis le début de sa candidature, François Hollande faisait campagne sur un argument qui le différenciait des autres : je ne m’adresse pas aux socialistes, je m’adresse aux Français. Cela n’avait pas échappé à Martine Aubry qui, la veille du second tour, déclarait au Parisien : « Je n’aime pas quand un homme de gauche reprend les mots de la droite. » Elle évoquait le mot de François Hollande sur « la gauche sectaire », mais sa phrase allait bien au-delà : elle qui ne s’était adressée qu’à son parti, elle dénonçait le discours “ouvert” de son concurrent. Or c’est elle qui a perdu et lui qui a gagné. Un succès qu’il doit notamment au fait qu’étant nettement en tête au premier tour, les sympathisants de gauche sont allés vers lui, en se portant sur le vainqueur.
Mais cette victoire “par la droite” a des raisons plus profondes. Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l’innovation politique, les détaille
dans un article de la dernière livraison de la revue Commentaire à propos de la situation de la droite en Europe. La gauche sociale-démocrate, dit-il, est partout en perte de vitesse, à cause de la globalisation, de l’épuisement de l’État-providence, du vieillissement avec ses effets idéologiques (sur la sécurité) ou démographiques (immigration et conséquences) : « L’histoire ferme la porte du pouvoir à la gauche ; la crise de la dette la verrouille à double tour. » À partir du moment où Dominique Reynié vous dit : « dans ce mouvement historique, la gauche perd sa raison d’être – et ses électeurs », comment fait-on quand on s’appelle François Hollande et que l’on a de l’ambition ?
Eh bien on fait le choix délibéré d’adopter certains thèmes jusque-là familiers de la droite : la réforme fiscale, la solidarité entre générations, et surtout la rigueur budgétaire – tout en associant à ces sujets la distribution de sucres d’orge classiques de la gauche (augmentation du Smic, recrutement de fonctionnaires, enseignants, policiers), même si cela n’empêche pas Martine Aubry de vous accuser d’incarner la « gauche molle » – molle par son virage au centre. L’essentiel est de l’emporter. Avec quels électeurs ? Ceux du vaste ensemble conservateur des avantages acquis, préservé de la compétition mondiale, cet électorat « arc-en-ciel » décrit par Olivier Ferrand pour la fondation Terra Nova, plus féminin, plus coloré, et essentiellement composé par des agents et cadres de la fonction pu­blique, des magistrats, des enseignants et des pro­fessions intermédiaires.
Par cette manœuvre tactique et la position qu’il occupe désormais, Hollande asphyxie le centre ; mais il laisse à découvert un premier espace sur sa gauche au front de Jean-Luc Mélenchon qui a absorbé les communistes et fait disparaître les trotskistes. Surtout, il abandonne un espace beaucoup plus large à droite où se situent désormais ces classes moyennes et populaires, confrontées, elles, à la mondialisation, à la concurrence des immigrés, à l’insécurité, à l’affaissement de l’autorité, à la baisse de la qualité de l’école, etc. Ces classes populaires dont la gauche entend réduire le poids électoral et l’influence en préconisant le droit de vote aux immigrés et le multiculturalisme imposé par la loi.
Voilà pourquoi la désignation de François Hollande, sa situation sur l’échiquier politique sont en train de changer le sens de la bataille. L’enjeu est évident pour la droite : elle n’a d’avenir que dans la reconquête de l’électorat populaire qui avait fait l’élection de 2007 et qui a en partie déserté. En même temps, François Hollande, devenu le favori, va dorénavant s’attirer les feux nourris de tous ses concurrents, de gauche, des Verts, du centre et de droite, feux qui se concentraient jusqu’à présent (à l’exception de la majorité naturellement) sur Nicolas Sarkozy. Le voici qui va pouvoir respirer.       

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