TOUT EST DIT

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lundi 24 octobre 2011

Allemagne : la fin du nucléaire passe par le charbon

L'hiver qui commence à se faire sentir en Allemagne prend, cette année, un relief particulier. Huit des dix-huit réacteurs nucléaires étant arrêtés depuis le printemps, l'Allemagne pourrait être menacée de black-out ou être contrainte d'importer massivement de l'électricité. Ce sera le premier test que devra affronter ce pays qui, après la catastrophe de Fukushima, au Japon, a décidé d'abandonner le nucléaire en 2022.
D'ici là, il y aura bien d'autres obstacles à franchir. La loi votée (à la quasi-unanimité) le 30 juin sur la sortie du nucléaire n'est qu'un début. "Le vrai travail commence maintenant", a reconnu Philipp Rösler, ministre de l'économie et des technologies, devant le Parlement, le 19 octobre. Le ministre s'est fixé trois objectifs : "Assurer la sécurité des approvisionnements et protéger l'environnement, le tout dans des conditions financières acceptables." A ses côtés, Norbert Röttgen, le ministre de l'environnement, a affirmé des priorités légèrement différentes : "Les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique sont les deux piliers de la nouvelle politique énergétique", a-t-il dit.

Ces deux approches résument le débat allemand. Maintenant que la décision d'arrêter le nucléaire est prise (un neuvième réacteur va être arrêté en 2015, un en 2017, un en 2019 et les six derniers en 2021 et 2022), les financiers sont surtout soucieux d'assurer la sécurité des approvisionnements, quitte à investir dans des centrales à énergies fossiles classiques. Pour ceux qui sont surtout sensibles aux questions d'environnement, il ne suffit pas de sortir du nucléaire, il faut entrer, enfin, dans l'ère des énergies renouvelables. Tels sont d'ailleurs les objectifs de la loi : leur part doit passer de 17 % à 35 % en 2020 et 80 % en 2050.
Malgré la fermeture des centrales nucléaires, qui assuraient, au printemps, 22 % de la production d'électricité du pays, l'Allemagne affirme qu'elle réduira ses émissions de CO2. En 2020, celles-ci devraient être de 40 % inférieures à ce qu'elles étaient en 1990. La tâche est immense : il faut notamment développer l'énergie éolienne dans le nord du pays, construire des réseaux à haute tension pour la transporter dans le sud, là où sont les industries, prévoir des centrales classiques pour les jours où il n'y a ni vent ni soleil et investir dans l'isolation du parc immobilier.
Les six mois qui viennent de s'écouler n'ont été qu'à moitié convaincants. La Commerzbank affirme que c'est notamment en raison des importations d'électricité au second trimestre que la croissance a été si faible (+ 0,1 %). L'Association des industries électro-intensives (VIK) s'est plainte, le 19 octobre, que le prix de l'électricité avait augmenté et que sa qualité était moindre. En 2012, ses adhérents devraient voir leur facture croître de 9 %. Malgré tout, le pays a supporté la fermeture de huit réacteurs et la part des énergies renouvelables est passée de 17 % à 20,8 % de l'électricité produite.
Combien va coûter la révolution énergétique en cours ? Nul ne le sait. Seule certitude : l'agence de l'énergie estime qu'il faudra développer 4 500 km de lignes électriques à haute tension dont le coût oscille entre 22 et 29 milliards d'euros. Pour réduire de dix à quatre ans la construction de ces lignes, le gouvernement a limité le pouvoir des Etats-régions avec un argument à la clé : tout kilomètre de ligne à haute tension donnera lieu à un dédommagement de 40 000 euros à la commune concernée.
Pour financer les réseaux et la transition énergétique, l'Allemagne dispose de deux outils principaux. Le premier est le fonds climat-énergie, qui va être alimenté par la vente aux enchères des quotas de CO2 octroyés aux industriels et dont on attend environ 3 milliards d'euros par an. Le second est le prélèvement "énergies nouvelles" sur la facture d'électricité payée par les particuliers - la plupart des entreprises en sont exonérées. En 2010, ce prélèvement qui permet aux producteurs d'énergies renouvelables de vendre leur électricité à un prix supérieur à celui du marché s'est élevé à 13 milliards d'euros. En 2012, il se traduira par un prélèvement de 3,59 centimes par kilowattheure (kWh) consommé, en légère hausse par rapport à 2011. En moyenne, ce prélèvement coûte 120 euros par an à un ménage (14 % de sa facture).
Alors que le mégawattheure coûte, en Allemagne, environ 60 euros, ce prix s'élève à 90 euros pour l'énergie éolienne, 150 pour l'éolien offshore et 370 pour le solaire. Les énergies renouvelables ont un coût mais les Allemands l'acceptent : selon un sondage réalisé par TNS Infratest, 79 % d'entre eux jugent le prélèvement "énergies nouvelles" "raisonnable". Seuls 15 % le jugent "trop élevé".
Malgré tout, pour assurer la transition énergétique, le gouvernement prévoit également de subventionner de nouvelles centrales au gaz mais aussi une dizaine de centrales au charbon très polluantes. Il estime les besoins à environ 10 000 mégawatts. Au grand dam des écologistes, 5 % du fonds climat-énergie (soit 150 millions d'euros) pourraient être utilisés pour subventionner jusqu'à 15 % de ces centrales. A condition que Bruxelles autorise ces aides auxquelles seuls les industriels qui possèdent moins de 5 % de parts de marché en Allemagne peuvent prétendre.
Principaux intéressés : les 900 régies municipales, mais aussi des producteurs étrangers comme EDF, GDF Suez, voire Gazprom. Avec la sortie du nucléaire, l'Allemagne vit une véritable révolution industrielle, suivie de près tant par les industriels occidentaux que par les financiers. En témoigne l'annonce en août par le fonds américain Blackstone d'un investissement de plus de 1 milliard d'euros dans un parc éolien en mer du Nord.

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