Le risque de défaut de la Grèce devient un problème mondial : téléconférence en urgence d'Angela Merkel, de Nicolas Sarkozy et de Georges Papandréou ; réunion vendredi des ministres de la zone euro en Pologne, en présence de Timothy Geithner, le secrétaire américain au Trésor ; inquiétudes de la Chine. Quels scénarios de sortie ? « La Tribune » en a recensé six.
Alors que les dirigeants européens se lancent dans une énième « opération de la dernière chance » pour sauver la Grèce et la zone euro, il est temps de s'interroger sur les scénarios possibles. Avec pour principal objectif pour l'Europe, comme le remarque Bruno Cavalier, le chef économiste d'Oddo Securities, de « tenter de définir celui où elle sera la moins perdante possible et où elle pourra restaurer la confiance ». Revue de détails.
1 - Le statu quo ou la fuite en avant
C'est encore le scénario officiel. Il repose sur la nouvelle aide à la Grèce de 109 milliards d'euros décidée le 21 juillet dernier. Il suppose que le FMI continue à payer sa quote-part et qu'Athènes poursuive ses réformes. La Grèce est désormais à l'abri de la faillite puisqu'elle ne dépend plus des marchés pour se financer, mais de ses partenaires qui entendent la soutenir à tout prix. « Jusqu'à cet été, souligne Bruno Cavalier, cette stratégie permettait de gagner du temps avant les échéances électorales françaises et allemandes en 2012 et 2013. » Mais les attaques contre l'Espagne, l'Italie et la France et celles sur les banques rendent cette stratégie intenable. « Que gagne-t-on désormais à suivre cette voie ? » s'interroge l'économiste. Du reste, ce schéma est illusoire : avec une dette équivalente à 160 % de son PIB, la Grèce devra dégager des excédents considérables pour rembourser son dû, au risque d'étrangler son économie. Et si ses partenaires financent avec leur propre dette une dette irrécouvrable, ce sont eux bientôt qui seront menacés de faillite.
2 - La faillite « ordonnée »
Pour Bruno Cavalier, l'insolvabilité d'Athènes étant évidente, il faut restructurer sa dette « d'au moins 50 % ». Evidemment, cette option est très risquée du fait des contagions inévitable et de l'impact de ces suites sur le bilan des banques européennes. Beaucoup évoquent alors une « faillite ordonnée ». Terme flou, qui renvoie à des procédures de droit privé offrant, pour les calmer, des garanties aux créanciers comme des nantissements de revenus fiscaux ou d'entreprises publiques. Mais « dans le contexte de tensions sur les marchés et de déprime économique, je ne crois pas à cette option », estime Bruno Cavalier.
3 - La faillite « désordonnée »
Pris à la gorge, par exemple, par le retrait du FMI du plan d'aide et par le refus des Européens de se substituer à lui, Athènes peut décider unilatéralement de faire défaut. « Il faudra alors allumer des contre-feux très puissants », considère Bruno Cavalier, qui évoque un redéploiement de l'aide prévue pour Athènes vers les banques et des rachats massifs de titres italiens sur le marché secondaire par la Banque centrale européenne (BCE) pour contenir la contagion. « Si l'on compare à ce qu'ont fait la Fed et la banque d'Angleterre, elle a les moyens d'agir », juge-t-il. L'euro devrait faire les frais de ces mesures, mais ceci jouera favorablement sur la compétitivité. Les conséquences de l'opération sur l'économie grecque et la situation politique et sociale en Grèce sont, en revanche, difficiles à estimer.
4 - La faillite... et l'intégration fédéraliste
La douloureuse faillite grecque peut réveiller les consciences européennes. Moyennant l'abandon d'une grande partie de leur souveraineté fiscale et budgétaire, les États pourraient accepter une solidarité élargie entre eux. Cette évolution sera nécessairement lente et difficile, car il faudra réviser les traités et, surtout, convaincre les opinions publiques. L'échec de la constitution en 2005 reste dans toutes les mémoires. La Grèce pourrait, elle, faire figure de « laboratoire » : avec des Européens la soutenant financièrement à condition de disposer du contrôle sur le budget. Ce scénario rappellerait alors le cas de Terre-Neuve, indépendant jusqu'à sa faillite en 1932, puis géré durant 14 ans par une commission britannique avant d'intégrer la fédération canadienne.
5 - La faillite... et la sortie grecque de la zone euro
Il n'existe pas de lien de nécessité entre faillite et sortie de la zone euro. Les traités proclament l'adoption de l'euro « irréversible » et ne prévoient de sortie éventuelle que de l'Union européenne. Aucune « exclusion » n'est possible. La Grèce pourra cependant décider unilatéralement de dénoncer ces traités et d'introduire une nouvelle monnaie. Les experts de la banque UBS ont exploré les conséquences d'une telle décision. La conversion forcée des comptes et des créances en euros en néo-drachmes, dont la valeur pourrait chuter de 60 % par rapport à la monnaie unique, provoquerait un vent de panique, un effondrement du système bancaire et une série de défauts des entreprises grecques. Selon la banque japonaise Nomura, les importations, mêmes de produits de première nécessité comme l'alimentaire, deviendraient difficiles. Dès lors, Athènes devra recourir à des mesures autoritaires pour sauver ce qui peut l'être, avec des conséquences sociales et politiques imprévisibles. En retour, la dévaluation compétitive apportera bien peu à un pays dont l'économie dépend davantage du tourisme, qui dans un tel contexte chuterait, que des exportations industrielles.
6 - La sortie de la zone euro de l'Allemagne
Excédée de payer pour l'indolence grecque et lassée d'appartenir à une Union qui refuse de se plier à la discipline budgétaire, l'Allemagne pourrait décider de quitter la zone euro. Seule ou en compagnie des pays « vertueux » du « nord », comme l'a récemment conseillé l'ex-patron des patrons allemands, Hans-Olaf Henkel. Mais une telle décision aura un coût : la nouvelle devise s'appréciera rapidement, devenant une valeur refuge, et ruinera la compétitivité allemande. Les déboires actuels de la Suisse montrent la difficulté de l'exercice. Il faudra aussi recapitaliser un système bancaire dont les actifs en euros se déprécieront. UBS estime que le coût pour l'Allemagne sera de 20 à 25 % de son PIB pour la seule première année ! Sans compter que, politiquement, ce retrait aurait pour conséquence la fin de la construction européenne. Les Allemands ne semblent pas prêts à assumer pour le moment un tel coût.
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