TOUT EST DIT

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vendredi 19 août 2011

Ces spéculateurs qui parient sur la faillite des Etats

Le recours à des assurances pour se protéger de l'impact de la faillite d'un pays a été dévoyé par les spéculateurs qui en ont fait une arme financière, désormais massivement utilisée à mesure que les inquiétudes sur la solvabilité des Etats grandissent.
Le CDS ("Credit Default Swap") est au départ une simple assurance sur un emprunt émis par un état ou une entreprise, contractée de gré à gré.
Un investisseur détient de la dette grecque, il désire se couvrir contre le risque de banqueroute de ce pays et contracte un tel produit auprès d'un "assureur". Après tout, rien que de très normal.
Le problème est qu'il peut aussi très bien acheter un CDS sur de la dette grecque sans pour autant en détenir.
"C'est exactement comme si je m'assurais contre un incendie sur une habitation dont je ne suis ni propriétaire ni locataire. J'ai tout intérêt à ce que cette maison prenne feu pour toucher la prime", explique Paul Jorion, auteur de plusieurs ouvrages dont "Vers la crise du capitalisme américain" (Editions du Croquant).
"Les CDS sont dévoyés, ils sont aujourd?hui majoritairement utilisés pour spéculer sur la faillite des Etats. Ainsi, des fonds spéculatifs n?ayant jamais investi un euro en Grèce les ont utilisés pour parier sur la faillite de ce pays", explique cet ancien trader.
Et de mettre en garde contre un danger d'autant plus grand que ces prophéties sont souvent "auto-réalisatrices".
Plus la demande de CDS sur un pays est forte, plus les marchés vont croire qu'il est proche de la faillite, plus le taux auquel ils lui prêteront de l'argent sera élevé, ce qui mettra cet Etat en position délicate pour se financer.
La dernière phase pour le spéculateur est alors de revendre ces CDS beaucoup plus cher qu'il ne les a achetés, vu que le risque est plus élevé.
"Ce n'est pas le commun des mortels qui détient ce type de placements mais des initiés travaillant pour des hedge funds (fonds spéculatifs) ou des grandes banques", souligne Cyril Regnat, stratégiste obligataire chez Natixis.
Imaginé, en 1994, par Blythe Masters de la banque d'affaires américaine J.P. Morgan --"la femme qui a inventé les armes financières de destruction massive", selon le quotidien britannique The Guardian-- ces produits financiers ont connu un développement fulgurant.
Depuis la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008, ces contrats, jusque-là essentiellement limités à l'assurance des dettes des entreprises, se sont développés pour les Etats.
"Ils sont aujourd'hui l'un des instruments les plus importants pour juger de la qualité de bon payeur d'un pays avec les notes délivrées par les agences d'évaluation financière" (Fitch, Moody's, Standard & Poor's), ce qui en fait des armes redoutables, explique M. Regnat.
Actuellement, le montant total des assurances souscrites contre une éventuelle faillite de la France représente 23 milliards de dollars, contre 17 milliards pour l'Allemagne et 5,6 milliards pour les Etats-Unis.
Preuve de l?incohérence de la situation, le contrat d'assurance sur les Etats-Unis, jugés "AA+" par les agences de notation, coûte trois fois moins que celui de la France qui détient la meilleure note possible (à "AAA").
Et s'assurer contre une banqueroute de l'Hexagone coûte plus cher aujourd'hui que pour le Mexique ou la Colombie.
Pour la Grèce, l'équation est encore plus folle. Il faut aujourd'hui débourser 10 millions de dollars pour assurer 10 millions de dette grecque sur dix ans et les investisseurs ont déserté ce marché.
"On est dans un système totalement déconnecté des fondamentaux économiques", reconnaît Eric Oynoyan, stratégiste chez BNP Paribas à Londres.
Toute tentative de régulation de ce marché opaque, car non réglementé, est restée à ce jour vaine.
En septembre 2010, la Commission européenne avait émis l'hypothèse d'interdire l'achat de CDS aux personnes ne détenant pas d'obligations de l'Etat concerné.
Mais cette mesure est à ce jour encore dans les tiroirs, de nombreux pays y étant opposés, aux premiers rangs desquels le Royaume-Uni.

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