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samedi 30 juillet 2011

Le rôle du Tea Party dans la crise de la dette américaine

"Aucun vote ce soir." L'annonce de l'un des membres de la direction républicaine de la Chambre des représentants aux Etats-Unis a pris par surprise le Congrès et la Maison Blanche, jeudi 28 juillet, tard dans la soirée. Après des heures de tractations, les républicains de la Chambre, où leur parti est majoritaire, ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur le plan sur la réduction des déficits et le relèvement du plafond de la dette publique proposé par leur chef de file, John Boehner. Un blocage qui, depuis le début des négociatoins houleuses entre l'exécutif et le Congrès, est en grande partie l'œuvre de la frange ultraconservatrice du Parti républicain, le Tea Party. Au point de menacer les Etats-Unis de défaut de paiement si aucun accord n'est trouvé d'ici la date butoir du 2 août.

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Dans sa dernière version, le texte républicain prévoit une réduction des déficits de 915 milliards de dollars sur dix ans, en échange d'un relèvement du plafond de la dette en deux temps : 900 milliards de dollars d'ici au 2 août, avant un second relèvement, début 2012, en pleine période électorale. Le plan concurrent, des démocrates au Sénat, où ils sont majoritaires, prévoit un relèvement du plafond en un temps et économiserait 2 200 milliards de dollars sur dix ans, selon le Bureau du budget du Congrès américain (CBO), une agence indépendante. Depuis le début, le Sénat démocrate s'oppose au "plan Boehner", qui "n'est rien de plus qu'un gros baiser dégoulinant au Tea Party", selon l'expression de Harry Reid, chef de file démocrate au Sénat.
"LE TEA PARTY S'EST EMPARÉ DU PLAN BOEHNER"
"Si Boehner avait eu les mains libres, il y aurait eu un compromis il y a un bon moment", estime Graham K. Wilson, professeur de science politique à Boston University. Pour la première fois, le Tea Party, jeune mouvement politique qui a pris forme lors des élections de mi-mandat de 2010 dans l'aile droite du Parti républicain, s'impose dans les discussions et les négociations au Congrès.
L'échec du vote à la Chambre prouve d'abord la force numérique du mouvement, même s'il est difficile de déterminer exactement le nombre d'élus républicains qui se reconnaissent dans cette mouvance. Graham Wilson estime que ce chiffre tourne autour de vingt pour cent des élus. Quoi qu'il en soit, leur importance est suffisante pour avoir obligé John Boehner à solliciter les voix du Tea Party, indispensables à la validation de son plan, le poussant, de fil en aiguille, à radicaliser son discours.
"Le Tea Party s'est emparé du plan Boehner", résume George Shambaugh, professeur de science politique à Georgetown University. Résultat : "Il n'y a aucune mention d'une hausse d'impôts, aussi bien dans le plan du Sénat que dans celui de la chambre des représentants." Pour de nombreux experts, la victoire politique du Tea Party est d'avoir réussi à évacuer toute notion de relance économique et d'augmentation des impôts du plan, pour n'y laisser que la réduction des dépenses.
Une ligne résumée, jeudi soir, par Mike Pence, élu républicain de l'Indiana et membre du Tea Party, qui martelait : "Nos objectifs restent les mêmes. Produire une législation sans hausse d'impôts."
LA DETTE, AU CŒUR DE L'IDÉOLOGIE DU TEA PARTY
Au-delà de la lutte contre la mainmise de l'Etat et d'une opposition viscérale à toute hausse des dépenses publiques, l'aile droite du Parti républicain a surtout un cheval de bataille : la dette. Et c'est précisement dans cette bataille que le Tea Party a joué son va-tout : "Ils sont dans une stratégie de quitte ou double", note Charlotte Lepri, chercheuse à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). A tel point que certains, comme Michele Bachmann, élue du Minnesota et candidate déclarée à la primaire républicaine, affirment ne pas croire au risque d'un défaut de paiement si aucun compromis n'est trouvé d'ici au 2 août.
Au sein de la mouvance, tous ne s'opposent pas au plan de John Boehner. Mais les plus radicaux vont jusqu'à réclamer la tête du président de la Chambre. Les différends au sein même du Parti républicain ont été incarnés par John Boehner et Eric Cantor, numéro deux de la Chambre des représentants et proche du Tea Party. "John Boehner a quitté la table des négociations à cause de cette rivalité, il a fait le calcul de durcir sa position", note George Shambaugh.

Des membres du Tea Party manifestent contre le relèvement du plafond de la dette, à Washington le 27 juillet.
Des membres du Tea Party manifestent contre le relèvement du plafond de la dette, à Washington le 27 juillet. REUTERS/JONATHAN ERNST
Lorsque les Républicains se réuniront de nouveau pour tenter de trouver un terrain d'entente, vendredi, beaucoup auront en tête une autre échéance que celle du 2 août : l'élection présidentielle de 2012. "Les républicains craignent d'être mis à mal [par le Tea Party] pendant les primaires du parti", souligne Graham Wilson, qui estime que c'est pour cette raison qu'ils ne répugnent pas à charmer ces ultraconservateurs.
2012 est également dans l'esprit du Tea Party, dont "les membres sont principalement venus au pouvoir avec l'idée d'évincer Barack Obama", rappelle George Shambaugh. En blocant les négociations sur le plafond de la dette, ils ont réussi à faire vaciller le président, estime M. Wilson. En n'hésitant pas à brandir un éventuel défaut de paiement, ils hypothèquent également "le grand sujet" sur lequel Barack Obama veut bâtir sa campagne de réélection : la baisse du chômage.

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