TOUT EST DIT

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dimanche 3 juillet 2011

Il faut restructurer la dette grecque

on peut estimer à 3 milliards d'euros les pertes pour le Trésor français sur les 9 milliards versés à la Grèce.
La Grèce est désormais insolvable et ingouvernable. Sa dette publique représentera 158 % du PIB à la fin de 2011. Pour la stabiliser, il faudrait un excédent budgétaire durable de 6 % du PIB, totalement hors de portée. Et ce d'autant que, pour la cinquième année, l'économie sera en récession (de 5 %), tandis que le taux de chômage culmine à 16 % de la population active. Toutes raisons qui expliquent la dégradation de la Grèce à CCC, deux degrés avant le défaut, et le niveau record des taux à deux ans qui culminent à 27,55 %. Face à des manifestations de plus en plus violentes, la base politique du gouvernement de Georges Papandréou ne cesse de se rétrécir. La Grèce ne dispose ni de la croissance potentielle ni de la classe politique qui lui permettraient d'éviter la faillite.

Le défaut grec constitue un choc potentiel comparable à celui de la chute de Lehman Brothers. Il impacterait d'abord les banques, les établissements grecs se trouvant en faillite, tandis que les institutions financières européennes devraient passer en perte une partie des 162 milliards de leurs créances grecques, puis de leurs risques sur l'Irlande, le Portugal et l'Espagne. A travers la BCE, le système européen de banques centrales est engagé à hauteur de 45 milliards d'euros sur la Grèce, à comparer à 81 milliards de capital et de de réserves. Il peut absorber un défaut grec jusqu'à une décote de 50 %, mais pas une extension de la crise au Portugal ou à l'Irlande, sauf à exiger une recapitalisation ou à émettre de la monnaie au prix de l'inflation. Enfin, les Etats sont doublement vulnérables. D'un côté pointe une menace de panique sur la dette des Etats surendettés ou en crise politique, à l'image du Portugal et de l'Irlande, qui empruntent déjà à 12 %, mais aussi de l'Espagne, de l'Italie et de la Belgique. De l'autre, les Etats créanciers, en tête desquels figurent la France pour 62 milliards d'euros et l'Allemagne pour 50 milliards, se trouveraient déstabilisés. D'ores et déjà, on peut estimer à 3 milliards d'euros les pertes pour le Trésor français sur les 9 milliards versés à la Grèce. La restructuration de la dette grecque est donc à la fois inéluctable et à très haut risque.

La Grèce affiche une dette de 350 milliards d'euros, dont la décote minimale est de 70 %, et un besoin de financement supplémentaire de 140 milliards d'euros pour les années 2012 à 2014. Cette situation tragique n'est nullement de la responsabilité des agences de notation, qui ont joué leur rôle d'alerte en dégradant la dette grecque dès 2004. Elle relève au premier chef des dirigeants grecs, qui ont construit un modèle de développement fondé sur la protection du secteur public (800 000 fonctionnaires sur 5 millions d'actifs) et sur la consommation à crédit, tout en maquillant délibérément les comptes du pays. Et en second lieu de l'Union et des Etats européens, qui délivraient encore en 2007 un satisfecit à Athènes. L'Europe n'a cessé d'agir trop peu, trop tard et en ordre dispersé. Ainsi, le plan de mai 2010 prévoyant une aide de 110 milliards d'euros a permis de gagner du temps, mais sans que ce délai soit utilisé pour élaborer une sortie de crise cohérente. Il est voué à l'échec compte tenu de l'effondrement de la croissance, de la stagnation des recettes fiscales, des atermoiements face aux nécessaires privatisations (300 milliards d'euros d'actifs potentiels), de l'impossibilité de recourir à la dévaluation ou à l'inflation. La Grèce refuse toute remise en question de la gouvernance de l'Etat et de l'économie, avec une activité souterraine qui représente 20 à 30 % du PIB et qui va de pair avec une corruption endémique.

Seule une restructuration ordonnée peut sauver la Grèce et l'euro. Un nouveau plan d'aide de 80 milliards d'euros se limiterait à accroître la dette grecque, différant le défaut pour aggraver les pertes. La reprise de la dette grecque par les Etats excédentaires est irréaliste. L'implosion de l'euro autour d'une zone réduite à l'Allemagne et aux pays excédentaires, tandis que les nations déficitaires - dont la France - reviendraient aux monnaies nationales, aurait un coût économique et social prohibitif et porterait un coup fatal à la construction européenne. La restructuration ordonnée peut seule permettre le retour de la croissance en Grèce et la stabilisation de l'euro. Du côté grec, elle passe par la réforme du modèle économique, avec la collecte effective de l'impôt et un programme massif de privatisation réalisé sous le contrôle de l'Union. Parallèlement serait engagée une opération de conversion de la dette en eurobonds, avec des taux inférieurs et des durées plus longues. Il revient à l'Europe de mettre un terme à la crise des risques souverains en proposant un cadre institutionnel et une stratégie économique clarifiés : effort de compétitivité dans les pays déficitaires et soutien de la consommation dans les pays excédentaires ; révision de la politique de taux d'intérêt et de change de la BCE qui tue la compétitivité de l'Europe du Sud ; harmonisation fiscale et surveillance budgétaire ; transfert de la régulation financière à l'Union ; création d'un Trésor européen et émission d'eurobonds actant la solidarité au sein de la zone euro. La seule issue à cette crise financière et monétaire est politique : il n'est pas d'euro soutenable sans fédéralisme économique européen.

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