TOUT EST DIT

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mercredi 1 juin 2011

Le spectre de 1976

Plaines arides. Cultures décimées. Fourrages raréfiés. Nappes phréatiques et rivières au plus bas. Agriculteurs à la peine. Le spectre de la grande sécheresse de 1976 plane sur la France. Déjà cinquante-quatre départements restreignent leur consommation d'eau. Selon les météorologues, le printemps 2011 est le plus chaud et le plus sec depuis plus d'un siècle. Pire qu'en mai 1976. Ce printemps trop estival, sauf déluge en juin, nous prédit un été calamiteux pour les récoltes, pour les Français qui souffrent de la chaleur, et pour l'économie en général.

Cette année-là, la sécheresse coûta au pays un demi-point de croissance. Raymond Barre, Premier ministre, succédant à Jacques Chirac qui venait de jeter sa démission, dut lever un impôt de solidarité pour sauver des agriculteurs de la faillite, dès le mois de septembre. Aujourd'hui, nous n'en sommes pas encore là, et on ne parle surtout pas de nouvel impôt, alors que les Français remplissent leur déclaration fiscale. Pas de provocation en pré-période électorale. Mais il est vital de rassurer les agriculteurs asphyxiés. Bruno Lemaire, leur ministre, va mobiliser dès le 15 juin le fonds de garantie des calamités agricoles. À la clé, plusieurs centaines de millions d'euros.

De quoi passer la crise ? Peut-être, si la solidarité interprofessionnelle s'en mêle. Mais c'est désormais chaque année, ou presque, que cette calamité sécheresse frappe une région, une profession, sinon le pays entier. Jadis, rappelle l'historien Emmanuel Le Roy Ladurie, pour se venger des étés trop secs et des cultures ravagées, nos ancêtres fouettaient, paraît-il, la statue de Saint-Matthieu. Et l'on sait que les disettes et les famines déclenchaient des révoltes, voire des révolutions. Aujourd'hui, qui fouetter ?

Les mois trop secs se multiplient sur l'Ouest européen. L'anticyclone des Açores donne la main à celui du Groënland et ils bloquent les offensives pluvieuses atlantiques. Les scientifiques y voient les effets croissants du changement climatique. Si l'on en croit les derniers chiffres des rejets de gaz carbonique dans l'atmosphère, cela ne va pas s'arranger. L'année 2010 a battu tous les records. Il faut se rendre à l'évidence. La gestion de l'eau, en France, va devoir changer de registre. Il ne s'agit plus de répondre à des urgences temporaires. L'urgence devient permanente.

Cessons toutefois de se raconter des histoires. La France reste un pays tempéré, arrosé, qui possède des réserves en eau conséquentes. Encore faut-il bien gérer cette eau. Ne pas se contenter, comme dit un agriculteur, de la regarder couler en hiver et de tirer la langue l'été venu. À force de puiser sans mesure dans les nappes phréatiques, elles ne se reconstituent plus. Au banc des accusés, depuis longtemps, les cultures céréalières, grosses consommatrices d'irrigation. Mais elles ne sont pas seules responsables.

La ministre de l'Environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet, dit vouloir terrasser ces sécheresses à répétition. En réduisant la consommation d'eau. 20 % en moins d'ici à 2020. Par quel miracle ? D'abord par des petits gestes quotidiens. En rénovant les circuits de distribution. En limitant et en améliorant l'irrigation. Toute une panoplie de décisions qui pourrait faire que l'eau ne devienne l'enjeu de conflits permanents entre usagers. Une sorte de guéguerre des robinets de tous contre tous.

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