TOUT EST DIT

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mercredi 1 juin 2011

Où mène la sortie du nucléaire ?

L'Allemagne sera sortie du nucléaire au plus tard en 2022. La décision d'Angela Merkel réjouit les opposants à l'énergie atomique, mais elle pose beaucoup de questions pour l'avenir, estime la presse allemande.
Le gouvernement l'a décidé dans la nuit de dimanche à lundi: l'Allemagne abandonnera l'énergie nucléaire au plus tard en 2022. Dès à présent, sept centrales sur 17 resteront fermées, le reste sera progressivement arrêté dans les 10 années à venir et remplacé par des énergies alternatives dont le pays doit maintenant encourager le développement.
C'est jour de fête dans la presse anti-nucléaire ou presque. A Berlin, la Tageszeitung ressuscite en Une l'autocollant mythique des débuts du mouvement anti-nucléaire en Allemagne, orné de sa nouvelle héroïne: la chancelière Angela Merkel. Mais la lutte n'est pas terminée, assure le quotidien alternatif:
Il y a seulement six mois, après à un passage en force merkelien, les centrales allemandes devraient rester en service bien au-delà de 2030. Aujourd'hui, la moitié est déconnectée du réseau. […] Contrairement  à la sortie du nucléaire décidée en 2000 par la coalition rouge-verte [sous Gerhard Schröder], il n'y a plus d'opposition qui voudrait annuler cette décision. […] Enfin, le tournant énergétique peut entrer dans une nouvelle phase et être irréversible d'ici à 2020. Maintenant que la fin du nucléaire est réglée, il faut faire disparaître le charbon – et il faut un plan pour réduire la consommation de pétrole et de gaz.
A Munich, la Süddeutsche Zeitung tente de devancer les critiques :
Il est temps de comprendre la fin du nucléaire comme une chance, et non pas uniquement comme une privation, comme un poison pour l'industrie, ou comme un bizarre cavalier seul en plein milieu d'une économie internationale propulsée par le nucléaire. La sortie [du nucléaire] offre d'énormes chances si elle est comprise comme une reconversion, comme une entrée dans l'ère solaire potentiellement gratifiante sur le plan économique. Si on aborde la chose correctement, l'Allemagne sera l'avant-garde d'un tournant que chaque nation de la terre devra effectuer à cause des limites de la planète. Un tournant qui en finit non seulement avec les centrales en Allemagne, mais avec les énergies fossiles tout simplement.
Le plan mérite l'adjectif d'"ambitieux", reconnaît la Frankfurter Allgemeine Zeitung, à qui le mot permet également de ne pas contenir son scepticisme. Le quotidien conservateur remarque que la décision va coûter 2 milliards d'euros par an à l'Etat et qu'il "va falloir répondre à la question de savoir d'où viendra toute cette électricité, et si elle peut être produite de manière sûre et fiable". "Qui ne peut garantir ceci agit pour le moins de manière négligente en arrêtant les centrales", considère la FAZ, qui pointe les nombreuses inconnues des dix prochaines années et les efforts nécessaires pour restructurer le réseau énergétique allemand. Conséquence: c'est principalement le consommateur qui devra régler la facture. "La sortie du nucléaire n'est pas gratuite, tout le monde doit y aller."

Qu'une telle décision ait été prise dans la précipitation, poussée par l'émotion de la catastrophe de Fukushima et contre les promesses faites aux électeurs rend Die Welt furieuse. Le quotidien de Berlin appelle à la résistance contre ce "solo anti-démocratique", en Allemagne, mais en Europe. "Si un Etat fondateur aussi puissant que l'Allemagne veut engager l'Europe et le monde sur une nouvelle voie énergétique, il aurait été indispensable d'aborder ce projet au niveau européen, une démarche de longue haleine. Nous avons besoin de temps, et nous avons ce temps." Le journal conservateur regrette qu'Angela Merkel ait pris sa décision "sans respect pour les positions des autres Etats de l'UE, et surtout sans sensibilité pour le clivage entre l'Est et l'Ouest de l'Europe sur la question nucléaire".
Pour Die Welt,
l'Allemagne a fait cavalier seul – un rôle d'avant-garde qui tient de la posture morale et ne rencontrera pas que de l'enthousiasme au-delà des frontières allemandes. La notion de développement durable comprend aussi de ne pas se laisser pousser par des agitations momentanées ; qu'on prend son temps; qu'on sache qu'il n'y a pas encore dans le non à l'atome la réponse aux questions complexes sur les sources énergétiques de demain. On assiste à la naissance d'une alliance profane entre ceux qui veulent enfin gouverner d'une main ferme et ceux qui rêvent d'une pression outrageusement écolo-moralisatrice qui fasse perdre le pouvoir au parlement et à l'opinion publique. Notre pays ne peut pas accepter cela.

Réaction

Merkel enterre l'Europe de l'énergie

"Qui se souvient que l'Europe a été bâtie autour de l'énergie? Qu'elle fut à l'origine Communauté européenne du charbon et de l'acier? Que ce symbole fut le premier cœur d'une puissance en devenir, réunissant dans une même promesse deux des plus grands belligérants des siècles passés?", demande l’éditorialiste Yves Harté dans le quotidien de Bordeaux Sud-Ouest, après l’annonce que l'Allemagne allait fermer ses centrales nucléaires d’ici 2022.
C'était, il est vrai, le temps d'une autre utopie. […] L'énergie en commun ? Là était l'avenir ! Il y a donc une certaine ironie à voir aujourd'hui l'Allemagne rompre brutalement avec le nucléaire sans aucune concertation. […] 
En matière d'énergie nucléaire, le leader mondial est français. L'Allemagne est à la traîne. Angela Merkel en a conclu qu'il valait mieux s'engager sur un autre terrain et explorer d'autres marchés, dont celui des énergies renouvelables. Là, l'avenir lui appartient. On oubliera qu'en attendant, l'Allemagne consommera encore plus de charbon, dégagera encore plus de ce CO2 qui, l'an dernier, a atteint des records. On oubliera de dire que son pays importera davantage de gaz russe et… d'électricité nucléaire française. Mais qui relèvera que cette décision, radicale et énergique, rompra le socle fondateur sur lequel avait été construite l'Europe originelle, celle qui mettait en commun les énergies d'alors, charbon et acier ?

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