TOUT EST DIT

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samedi 18 juin 2011

Ce que coûterait aux banques une faillite de la Grèce

L'abaissement de la qualité de crédit n'est pas suffisant pour contraindre les banques à provisionner une créance. Mais il sera de plus en plus difficile de déconnecter la notation de la notion de dépréciation si la dette grecque devait être placée dans la catégorie défaut.
"TSD ou Tout sauf le défaut !" La BCE persiste et signe en écartant toujours tout scénario qui s'apparenterait, de près ou de loin, à un défaut sur la dette grecque. Y compris la solution allemande qui propose aux banques, sur la base d'un "volontariat", d'allonger la maturité de la dette. Dans cette partie à plusieurs dizaines de milliards d'euros, la sémantique est d'importance et tout se joue sur les mots : rééchelonnement peut-être, restructuration non ! Les agences de notation ne partagent pas ces arguties technico-financières : un rééchelonnement (pas d'échange de dette) est considéré comme un événement de défaut au même titre qu'une restructuration (échange de titre avec un autre), ce qui implique une dégradation de la note en catégorie D (... comme défaut). Et pour éviter tout malentendu, Standard and Poor's a commencé à sonner le tocsin en plaçant la note à long terme grecque à CCC (avec perspective négative), trois crans à peine au-dessus de la catégorie D.
Un signal inquiétant pour les banques, à peine remises de la crise des "subprimes". Selon la BRI, les banques étrangères détiennent 145 milliards de dollars de créances publiques et privées sur la Grèce, détenues à 93% par des banques européennes. Mais, paradoxalement, le traitement comptable de cette exposition à risque est, pour l'instant, relativement indolore pour les banques. Il faut, comme toujours, distinguer le "trading book" du "banking book" (portefeuille de crédit). La comptabilité bancaire impose de valoriser tous les actifs du "trading book" à la valeur de marché "mark to market", soit pour la dette grecque, avec une décote moyenne de 45%.
Toutefois, la quasi-totalité de la dette souveraine détenue en direct par les banques est comptabilisée dans le "banking book". Les règles comptables sont alors moins strictes. Mieux, elles obligent les banques à provisionner une créance que lorsque le risque est "avéré" et ce, indépendamment de l'opinion des agences. Et, aujourd'hui, la position de place, en France et dans le monde, est de considérer que le risque sur la dette grecque n'est pas avéré ! Du coup, les banques n'ont aucune obligation, tout dépend de leur jugement et des dispositions fiscales des pays. Les banques peuvent donc soit valoriser les créances sur la Grèce au coût historique, soit constater une moins-value latente sur leur portefeuille, mais sans passer par le compte de résultat. La perte latente est alors imputée sur un compte de capital, sans dégrader le ratio de solvabilité, selon les règles de Bâle II.
Toutefois, les commissaires aux comptes ne sont pas très à l'aise avec cette position. En France, ils vont d'ailleurs provoquer une réunion avec l'AMF et la nouvelle Autorité de contrôle prudentiel (ACP) pour faire le point sur cette délicate question avant la clôture des comptes au 30 juin. Visiblement, les comptables ne veulent pas être pris en défaut en cas de détérioration brutale de la situation.
Mais si un abaissement de la note grecque n'est pas considéré comme un indicateur de risque avéré, il pèse néanmoins, plus ou moins en fonction des modèles internes des banques, sur la quantité de fonds propres allouée à ces créances. Une dégradation de note se traduit donc par une détérioration de la solvabilité. Un nouvel abaissement dans la catégorie D, même sans restructuration, rendra la position de place beaucoup plus difficile à défendre sur les provisions à passer. Même un rééchelonnement dont le coût ne serait pas facturé à l'emprunteur devrait se traduire par une perte comptable. Mais, comme toujours, les banques disposent d'un très large espace d'appréciation.
Reste les dérivés, dont le montant est loin d'être négligeable sur la dette grecque. La BRI l'estime à 60 milliards de dollars et cette fois-ci, ce sont les banques américaines les plus exposées (56%). Chacun connaît l'appétence des Américains à vendre des protections... Les dérivés de crédit, en particulier les CDS (protections vendues sur le risque de défaut), sont régis par les conventions standards de l'ISDA qui prévoient le "credit event" qui déclenche le paiement. L'opinion des agences de notation n'a donc que peu de poids, seul le contrat, souvent négocié de gré à gré, fait foi. Les CDS sont obligatoirement comptabilisés dans le "trading book" à valeur de marché mais les protections "achetées" peuvent être logées dans le "banking book". Ces dérivés peuvent générer des profits (position gagnante) sans que les pertes potentielles du sous-jacent soient pour autant comptabilisées. Et il y a toujours le risque que la contrepartie ne puisse honorer ses engagements, ce qui entraîne de facto réfaction du dérivé.
Les agences de notation communiquent donc sur leur vision de la qualité d'un crédit alors que le jugement des banques peut être différent. Une dégradation en note D est un signal très fort mais tout dépendra du jugement que la place financière, y compris les autorités prudentielles, portera sur cette décision.

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