TOUT EST DIT

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dimanche 3 avril 2011

Hollande ou l'éternité


Pourquoi ce trouble quand François Hollande affirme à Tulle qu’il aura un destin? Rien à voir avec lui – pas seulement – mais tout à voir avec ce pays pétri d’éternels retours. La figure du notable de province et de progrès, une revendication du bon sens commun et d’une décente modération, et l’écoute du peuple, jurer qu’on nous rendra la fraternité, et la France en avant…


Et ce discours, surtout, d’où le monde et les soubresauts d’ailleurs sont absents. La Chine puis le Brésil prétendent secourir le Portugal, le monde émergent renverse l’Europe, les peuples arabes se ruent vers la liberté, la Terre se réchauffe, mais Hollande nous parle comme on nous parlait il y a trente ans, un siècle, comme si la tradition ne s’épuisait jamais de ces humanistes de préfectures, et la République n’en finissait jamais de se reproduire à l’identique.


Hollande est ainsi, ou ce qu’il en montre, tenant l’équilibre entre Chirac et Mitterrand. Il prend des notes en visite chez des marins pêcheurs, il dit "la jeunesse" comme on a toujours dit dans les banquets républicains. Rien n’est faux, mais tout est déjà vu. Peut-être at- on besoin de cela, cette éternité émolliente, cette revendication d’une normalité sans contenu défini, pour se guérir de la brutalité versatile du sarkozysme. Mais on ne se protégera pas du monde en l’ignorant. Il y a autre chose dans la geste de Hollande, que l’on devine, et qui affleure dans ses mots. Nous sommes moins l’enjeu de cette bataille que lui-même: en reconquête d’estime après avoir été tant brocardé. Son discours est une thérapie. Son introspection, ce corps reconquis à force de privations, ce sérieux devenu une seconde nature, forcé parfois, et l’on se demande alors ce qui était vrai dans ses jovialités d’antan, au temps de l’intelligence et des occasions perdues.


On a cette impression d’un homme que la vie et la politique ont martyrisé, et qui s’est fait violence, et qui nous prend à témoin de son courage, et notre écoute nourrira sa guérison. Il y a comme une supplique quand il insiste sur sa volonté de gagner, ou l’idée d’un examen qu’il passerait, devant les médias d’abord, les sondés ensuite, et qu’il atteindrait au statut de véritable candidat en épousant les canons du genre, talentueux jusque dans l’imitation. Et validé, il pourrait revivre. Cette supplique est belle mais perdue pour la politique, et l’on attend Hollande là où elle fait mal. L’Europe éclatée, les finances ruinées, le tissu social déchiré, qu’en ferait-il? En tristesse, il dit peu, quand il ne disait rien jadis au temps de la gaieté. C’est un autre invariant de la République que cette offrande de soi-même et de son rachat en guise de projet. Rarement, cette offrande aura été aussi émouvante et embarrassante que dans ce retour d’un faux gentil, vrai écorché, de notre République.

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