vendredi 1 avril 2011
Éviter le bain de sang à Abidjan
Quatre jours d'offensive militaire, après quatre mois de stagnation. Le conflit ivoirien opposant Alassane Ouattara, le président élu reconnu par la communauté internationale, au président sortant qui s'accroche, Laurent Gbagbo, vient brusquement de changer de nature. Fini le surplace diplomatique et les tractations sans effet. Cette semaine, ce sont les armes qui ont pris la parole.
En quelques jours, les troupes du camp Ouattara ont militairement, et sans réelle résistance, renversé le rapport de force en leur faveur. Elles ont pris, mercredi, le contrôle de la capitale politique, Yamoussoukro, ville natale de feu Houphouët-Boigny, le père de la nation. Puis celui de San Pedro, le principal port d'exportation du cacao, ressource première du pays. Enfin, elles ont gagné, hier, les faubourgs d'Abidjan pour presser Laurent Gbagbo de partir, désormais sans délai.
Annoncée par cette progression fulgurante, la bataille d'Abidjan est ce que tout le monde redoutait. À commencer par les habitants qui, par centaines de milliers, ont quitté la ville ces dernières semaines. Le 25 mars, l'ambassadeur de France aux Nations Unies estimait que la capitale économique ivoirienne était « au bord de la guerre civile ». Exactions, violences, vengeances. Le bruit des machettes était dans toutes les têtes. Le scénario du pire se profilait. Favorisé par la paralysie diplomatique, politique et économique du pays.
Depuis le 28 novembre, rien en effet n'a pu convaincre le candidat déclaré officiellement perdant, et reconnu comme tel par tous les observateurs, de quitter le pouvoir. Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis dix ans, a tout fait pour s'accrocher et temporiser. Résistant aux condamnations de l'Onu et de l'Union Africaine. Résistant aux pressions financières et économiques adoptées par la communauté internationale.
Isolée, la Côte d'Ivoire a ainsi vu, depuis décembre, son économie se comprimer, plongeant un peu plus le pays dans une crise sans précédent pour cet État qui a longtemps été un exemple de prospérité et un moteur pour toute une région de l'Afrique. Un exemple aussi d'enthousiasme et d'espoir qui s'était traduit par une forte participation des électeurs en novembre. Fascinés de voir les deux candidats accepter un duel télévisé, comme dans les meilleures démocraties.
La suite a remis au-devant de la scène les pires divisions ethniques et partisanes qui affligent de trop nombreux pays africains, rendant la déception encore plus amère. Officiellement, les violences des dernières semaines, perpétrées jusque dans le centre d'Abidjan, auraient, selon l'Onu, fait environ 500 morts civils. Ce bilan, qui pourrait s'aggraver, a suffi déjà à renforcer le découragement de la population ivoirienne qui ne comprend pas comment elle a pu être si peu protégée, malgré la présence de plus de 10 000 Casques bleus.
La progression fulgurante des forces fidèles à Ouattara, les défections, hier, de nombreux militaires proches du président sortant, les pressions du Conseil de sécurité de l'Onu : tout annonce la fin de l'ère Gbagbo. C'est le prix de son départ qui reste à fixer. Tous les Ivoiriens redoutent le bain de sang que des miliciens en perdition peuvent provoquer. L'autre crainte, ce sont les séquelles de la crise dans un pays qui va rester profondément divisé. Même sans Gbagbo.
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