TOUT EST DIT

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samedi 2 avril 2011

Avant de laisser flotter sa devise, la Chine souhaite l'internationaliser

Après le séminaire G20 de Nankin, au cours duquel le président français Nicolas Sarkozy a tenté d'ouvrir, jeudi 31 mars, une rélfexion sur la réforme du système monétaire international, Le Monde a demandé à Zhang Ming, directeur adjoint du département de finance internationale au sein de l'Institut de la politique et de l'économie mondiale de l'Académie des sciences sociales chinoises, comment Pékin envisage l'avenir de la devise chinoise, le yuan-renminbi (RMB).

Le gouvernement chinois mise beaucoup sur l'internationalisation du renminbi, la devise chinoise. Quels en sont les principes, et comment mesurer ses avancées ?
Je doute qu'à l'origine, le gouvernement chinois ait eu une feuille de route très précise sur la question. C'est la crise des subprimes qui l'a poussé à accélérer le rythme de l'internationalisation du renminbi. La méthode actuelle est très gradualiste. Ça a commencé avec la facturation des échanges transfrontaliers libellés en renminbi.
Bientôt, il sera possible pour des entreprises chinoises d'investir à l'étranger en renminbi. L'idée principale est de parvenir à développer une plateforme offshore pour le renminbi, à Hongkong. Au début, tout s'est fait lentement : la facturation en yuan ne portait, en 2009, et jusqu'au milieu de l'année 2010, que sur quelques milliards de yuans.
Puis, à partir de mi-2010, il y a eu deux grandes avancées : d'abord, l'expérience a été élargie à une plus grande échelle, de cinq villes chinoises à l'origine, à 20 provinces aujourd'hui. Et un plus grand nombre d'entreprises chinoises ont été autorisées à y prendre part. Les contraintes ne sont pas strictes, donc le nombre de participants a toutes les chances de grossir.
Le volume des échanges extérieurs libellés en renminbi a ainsi augmenté très vite depuis le second semestre de l'an dernier. Il a atteint à la fin de l'année 500 milliards de yuans, soit environ 2,5% du commerce extérieur. Attention, 70 % de ce commerce libellé en renminbi a toutefois lieu pour l'instant avec des entreprises de Hongkong. Dans 80 % des cas, il s'agit d'importateurs chinois qui sont facturés en renminbi.
L'avantage, c'est que le jour où par exemple, 20% du commerce extérieur chinois est libellé en renminbi, la Chine n'aura pas à accumuler tant de réserves de change. Et cela réduit aussi les risques de change pour les entreprises.
La seconde avancée, c'est l'accord signé l'an dernier entre la banque centrale chinoise et les autorités monétaires de Hongkong pour autoriser les entreprises étrangères à détenir à Hongkong des comptes en renminbi dans les banques commerciales de la Région administrative spéciale. Les dépôts en renminbi à Hongkong ont donc aussi gonflé très vite, jusqu'à atteindre 360 milliards fin 2010, plus de la moitié étant le fait de sociétés (contre à peine 1 % en 2009), l'autre moitié étant des particuliers résidant à Hongkong.
Le consensus, aujourd'hui, c'est que les dépôts en renminbi à Hongkong pourraient atteindre les deux trillions de yuans d'ici la fin 2012. Ce qui serait suffisant pour permettre la création d'un marché boursier en renminbi. Il y a une forte probabilité que ce marché soit d'ailleurs lancé dès cette année.
Quelle fonction remplira cette plateforme offshore de renminbi et quelle place fera-t-elle aux mécanismes du marché ?
Si le marché offshore du yuan à Hongkong se développe assez vite, il pourra attirer des flux de renminbi en provenance de pays frontaliers de la Chine, où de plus en plus de devises chinoises circulent, comme le Vietnam, le Laos, la Mongolie. Ces pays qui peuvent ensuite avoir intérêt à réinvestir leurs renminbi quelque part. Si, par exemple, une société chinoise réalise un investissement en renminbi dans un pays d'Amérique latine, celui-ci peut souhaiter les garder et bénéficier d'une appréciation future de la devise chinoise.
La plateforme offshore de Hongkong permettra ainsi à ces entreprises étrangères ou à ces pays de placer leurs RMB quelque part, par exemple dans des obligations dim-sum, ou divers produits financiers en renminbi. Plus ces placements sont attractifs, plus cela renforce la motivation d'investir en renminbi à Hongkong.
Il y a déjà une forte demande pour le renminbi dans les pays voisins de la Chine, et on a vu que dès que les entreprises chinoises ont eu l'autorisation de commercer en renminbi avec l'étranger, un grand nombre d'entre elles l'ont fait. Cette évolution n'est donc pas seulement impulsée par une politique, elle s'inscrit également dans une dynamique de marché, dans un contexte de forte attractivité du renminbi.
L'autre objectif de cette réserve offshore de renminbi, est que la Chine ne peut pas libéraliser du jour au lendemain son régime de change. Le gouvernement chinois souhaite utiliser Hongkong comme un terrain d'expérimentation. Le marché de taux de change à terme donne une indication de la demande : par exemple, actuellement, un taux de change à terme du RMB par rapport au dollar de Hongkong peut être supérieur de 3 % au taux de change spot. Plus ce marché offshore est volumineux, plus il permet de mesurer les anticipations des acteurs et d'ajuster la politique de change.
Le Japon a tenté, en vain, dans les années 80-90, d'internationaliser sa devise. Quelles leçons en tire la Chine ?
L'expérience nipponne offre des enseignements précieux. D'une part, il faut, pour internationaliser sa devise, pouvoir garder un fort rythme de croissance économique et se méfier des trop fortes variations, comme les bulles. Ce qui oblige à éviter de poursuive une politique monétaire trop souple. Or, après la crise financière globale, le gouvernement chinois a très fortement assoupli sa politique monétaire, et on a vu apparaître des risques de bulles, notamment dans l'immobilier. Il est donc indispensable que la politique monétaire se normalise.
La deuxième raison de l'échec japonais, c'est qu'il est nécessaire pour internationaliser sa monnaie d'avoir une structure de commerce extérieur équilibrée. Plus de 50 % des importations japonaises étaient le fait de matières premières et d'énergie, libellées en dollar. Dans le cas de la Chine, il y a peu de chance certes qu'elle puisse facturer une grande partie de son commerce extérieur avec les Etats-Unis ou l'Europe en renminbi. En revanche, la solution pour elle est de concentrer ses efforts sur les pays d'Asie comme l'Asean, et peut-être aussi l'Afrique et l'Amérique latine.
La Chine bénéficie de volumes d'échanges de plus en plus élevés avec ces pays, et tisse avec eux des relations capitalistiques. Imaginez qu'une entreprise chinoise investisse en renminbi dans un de ces pays, par exemple l'Afrique. La société africaine peut utiliser ces renminbi pour acquérir des équipements en Chine ou bien des produits chinois.
Il y a déjà des efforts dans cette direction : par exemple, la Chine est parvenue à un accord avec la Brésil pour qu'à l'avenir, le commerce bilatéral en énergie et en matières premières soit libellé en devise locale. La Chine et la Russie pourrait également passer ce genre d'accord.
Comment s'articulerait la proposition de donner à l'avenir un plus grand rôle aux DTS (droits de tirage spéciaux) dans le système monétaire mondial, discutée ces derniers jours au séminaire du G20 à Nankin, avec cet effort d'internationalisation du renminbi ?
La Chine n'est sans doute pas contre l'idée de se doter dans le futur d'une devise super-souveraine. Tout dépend de la volonté des Etats-Unis de voir le dollar abandonner son rôle de devise de référence, et de l'avancée des discussions collectives. Mais pour le gouvernement chinois, un moyen plus réaliste de progresser est de promouvoir l'internationalisation du renminbi et d'exercer un rôle plus actif dans la coopération monétaire en Asie de l'Est. Je ne pense pas que le gouvernement chinois considère que l'internationalisation du yuan et la question des DTS soient antinomiques.
Pour pousser plus loin la collaboration au niveau des DTS, il faudra d'abord qu'il y ait des monnaies fortes capables de concurrencer le dollar, comme l'euro bien sûr, mais aussi par exemple, une combinaison yuan-yen. Et la manière d'y parvenir, c'est de faire jouer au renminbi un rôle international plus important. Mais ceci est un objectif à court et moyen terme.
Les DTS sont un objectif à plus long terme. Mais en parler dans le cadre du G20 est une très bonne idée, et c'est à cela que le G20 devrait servir. La convertibilité du renminbi reste également un objectif, et l'internationalisation du yuan ne la met nullement en cause.
Le gouvernement chinois a déclaré qu'il ferait de Shanghai une place financière mondiale d'ici 2020, donc on est amené à penser que c'est à cet horizon qu'elle pourrait avoir lieu.

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