TOUT EST DIT

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samedi 2 avril 2011

Zapatero : "L'Europe n'est pas parfaite, mais c'est ce que nous avons de mieux"

La crise économique a brutalement mis un terme à quinze ans de croissance ininterrompue en Espagne. Le taux de chômage, qui avait chuté de plus de 20 % à moins de 8 % des actifs, a retrouvé son niveau antérieur en l'espace de quelques mois. La popularité du président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a suivi le même mouvement. Au point que la plupart des observateurs de la politique espagnole jugent que le président socialiste du gouvernement ne sera pas en mesure de briguer un troisième mandat lors des élections législatives du printemps 2012.
M. Zapatero a répondu aux questions du Monde et de quatre autres journaux européens – The Guardian, El Pais, Der Spiegel et la Gazeta Wyborcza.
La pression est forte pour que le Portugal accepte un plan de sauvetage. Le gouvernement portugais doit-il s'y plier ?
La volonté du Conseil européen et des institutions européennes, c'est que le Portugal puisse continuer à se financer. Pour cela, il est fondamental que le Portugal applique le plan d'ajustement présenté par José Socrates au Parlement. Comme ce plan n'a pas été approuvé, l'engagement des partis de gouvernement qui s'affronteront aux élections est essentiel. J'ai confiance en la capacité de José Socrates à surmonter cette situation difficile. Par conséquent, il ne me paraît ni adapté, ni bon, pour le Portugal et pour la zone euro, qu'il demande une aide financière.
Craignez-vous que l'Espagne puisse se trouver dans une situation similaire ?
C'est une question que l'on ne me pose plus. J'ai toujours dit que cette possibilité était exclue. Il y a six mois, elle était écartée à 90 %, aujourd'hui elle l'est à 99,9 % ou à 100 %.
Lors du dernier sommet de l'Union européenne (UE), vous avez annoncé de nouvelles mesures. Où en est leur application ?
D'abord, nous respecterons strictement les objectifs de déficit pour cette année. Nous avons un plan pour faire émerger et régulariser les emplois au noir et nous avons une batterie de mesures en faveur de la formation professionnelle. Le processus de réforme du système financier avance. Enfin, après une phase de concertation au Parlement, nous allons réformer la loi de finances pour maîtriser, de manière structurelle, les dépenses publiques et le déficit. Nous voulons aussi associer à la maîtrise des dépenses publiques les régions autonomes à travers un grand pacte.
A quelle hauteur voulez-vous limiter le déficit public ?
Cela fera partie de la négociation politique. Le but, c'est que les dépenses publiques n'augmentent pas plus vite que la croissance ; qu'en cas d'excédent, celui-ci ne soit pas affecté à des dépenses courantes mais à la réduction de la dette ; et qu'en cas de déficit, on applique des plans d'économies stricts.
Qu'est-ce qui a fait le plus de mal à l'UE : la crise elle-même ou la réticence à réagir vite de certains Etats, dont l'Allemagne ?
Nous aurions tous aimé une réaction plus rapide. Mais l'UE, c'est 27 pays différents, et parfois distants. Et entre pays démocratiques, il y a quelque chose qui s'appelle le processus de prise de décision. Il est très fréquent qu'au Conseil européen, l'Espagne soit avantagée parce que son Parlement est très européiste et que les décisions qui concernent l'Europe y trouvent en général un large soutien. Par exemple, ici, pas une voix n'a discuté le prêt que nous avons fait à la Grèce ou la partie qui nous revenait dans l'aide à l'Irlande. Certains Parlements en Europe discutent jusqu'au dernier centime ! C'est ainsi. J'ai assisté à certains débats, au Conseil, où des premiers ministres arrivent avec un mandat impératif de leur Parlement. Je l'ai encore vu au dernier Conseil.
C'est une allusion à l'Allemagne ?
Il y a plusieurs pays dans ce cas. Le Parlement allemand se prononce toujours et il pose des conditions à la chancelière.
Certains, à gauche, disent qu'en économie, vous faites le "sale boulot" de la droite. En quoi votre politique diffère-t-elle de celle de David Cameron ?
C'est se payer de mots. Le gouvernement fait les réformes nécessaires pour le pays. Il est vrai que, ces derniers temps, on identifie le mot réforme à celui de coupes budgétaires. Dès qu'un citoyen entend parler de réformes, il s'imagine le pire. Mais toutes les réformes n'impliquent pas moins de droits. Qu'avons-nous fait en Espagne ? Deux mesures d'économie ont affecté les citoyens : la baisse de 5 % des salaires des fonctionnaires et la non-revalorisation, pendant un an, des pensions de retraites, exception faite des plus faibles. Les autres mesures (réduction des investissements, réforme du marché du travail, des retraites) sont de simples changements absolument indispensables pour que notre économie soit compétitive.
Un projet de gauche doit miser sur la production de richesse, la compétitivité et l'innovation. La différence fondamentale entre la gauche et la droite, c'est la capacité à redistribuer et à éliminer les obstacles à l'égalité des chances. De tous les pays européens qui ont souffert de la crise, je crois que l'Espagne sera le seul à ne pas avoir réduit les dépenses d'éducation (cette année, malgré les économies, nous aurons un nombre inégalé de bourses et nous atteindrons pour la première fois 5 % du PIB pour l'éducation), de la santé (nous continuons d'avoir un service de santé gratuit et universel à 100 %) et de dépendance. Par conséquent les grands piliers de l'Etat social ont été préservés.
Un gouvernement est aussi de gauche quand il aide ceux qui souffrent le plus de la crise, c'est-à-dire ceux qui ont perdu leur emploi. Malgré la crise, nous avons atteint le plus fort taux de chômeurs indemnisés de notre histoire (75 %). Le grand bloc de politiques sociales a été maintenu en dépit de la grande réduction des dépenses.
Ça ne serait pas plus simple en augmentant les impôts des plus riches ?
Nous l'avons aussi fait, pour l'impôt sur le revenu et sur le capital. Mais la politique fiscale a ses limites, car si on augmente les impôts des entreprises, sur les bénéfices et le travail, on rogne la capacité économique. Dans une grave crise économique, augmenter la pression fiscale de manière substantielle peut freiner la reprise. Ce qu'il faut faire, ce sont les réformes pour favoriser l'activité, améliorer la formation, assainir le système financier, désendetter l'économie. En Espagne, l'endettement a été le fait du secteur privé, pas du public. Dans la crise, le secteur public a dû assumer une part de la dette du privé. Au début de la crise, le déficit extérieur représentait 10 % du PIB. Nous sommes aujourd'hui tombés à 3,9 % du PIB.
Face à la crise, aux révoltes arabes, certains jugent l'UE paralysée, sans leader ni projet, peu solidaire. Est-ce votre analyse ?
Nous vivons une époque de grands changements. La capacité de croissance s'est déplacée vers l'Asie et les pays émergeants. C'est une bonne chose. Des dizaines de millions de personnes dans le monde sortent de la pauvreté et intègrent les classes moyennes. Ce rééquilibrage de la richesse et des capacités de développement se stabilisera. L'Europe souffre aujourd'hui de ce mouvement. Elle peut réagir de deux manières. Soit en restant immobile et en accusant les émergents. Soit en se transformant et en se réjouissant de cette évolution. Et ne pas rester immobile, cela suppose plus d'Europe. La seule façon pour que notre énergie soit plus compétitive, que nos universités fassent pièce à celles d'Amérique du Nord, que notre recherche ait le même potentiel… c'est en nous unissant sur des projets européens. C'est la réponse si nous voulons maintenir notre modèle social.
Seconde transformation à attendre de l'essor de la communication et du savoir: les changements politiques. Plus il y a d'information et de savoir, plus il y a de démocratie. C'est ce que l'on voit dans les pays arabes. Nous allons vers des temps de plus grande démocratie. L'Europe est l'unique puissance présente dans les changements qui se produisent au sud de la Méditerranée. Bien sûr, on aimerait que ce soit de façon plus organisée, plus unie, également en matière de défense. Mais qui a été à l'origine de la résolution du conseil de sécurité pour intervenir en Libye? Deux pays européens, la France et l'Angleterre. Je crois que c'est significatif.
Mais volonté politique et capacité à demeurer un modèle ne sont-elles pas ébranlées en Europe ?
Non. Nous sommes dans un processus de réponse à la crise où la crise est plus visible que la réponse, mais, à la sortie, on aura un approfondissement de l'Europe, une Europe plus unie. L'Europe n'est pas parfaite, mais c'est ce que nous avons de mieux.
Vous apprêtez-vous à annoncer que vous ne vous représentez pas aux élections générales de 2012 ?
Ma réponse est très concrète: je ne vais pas annoncer ce que je vais annoncer ou ce que je ne vais pas annoncer! Il y a déjà assez de gens qui parlent de cela. Une réflexion évidente: la stabilité politique, parlementaire, est très importante pour accomplir la tâche qui nous revient dans le domaine économique. Ce travail, je le fais, le gouvernement est en mesure d'affirmer qu'il ira au terme de la législature avec l'appui parlementaire suffisant et ça, c'est une très bonne nouvelle économique!
Quel sera votre rôle dans la campagne des élections municipales et régionales du 22mai ?
Comme toujours, actif dans la mesure du possible. J'expliquerai que nous sommes sortis de la crise, grâce à qui et en dépit de qui.
L'Espagne est sortie de la crise ?
La croissance est déjà positive, nous sommes hors de danger quant aux risques de la dette et proches du thermomètre final qu'est la création d'emploi. Nous en sommes tout proches.

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