TOUT EST DIT

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dimanche 20 mars 2011

La morale à l'épreuve du feu

Le régime libyen a annoncé un cessez-le-feu, le 18 mars, quelques heures après un vote de l'ONU approuvant des opérations militaires contre lui. Cette décision va peut-être simplifier une situation que la presse européenne jugeait risquée tout en approuvant une guerre éventuelle. 
 "Enfin. La communauté internationale, qui pour une fois mérite son nom, a su adopter une position claire sur la Libye", se félicite Libération. Pour le quotidien français, "le forcing diplomatique des autorités françaises a payé. Apparemment isolée, avec la Grande-Bretagne, il y a encore deux jours, la France a finalement réussi à faire adopter par le Conseil de sécurité de l'ONU une résolution autorisant ‘les Etats membres […] à prendre toutes les mesures nécessaires […] pour protéger les civils et les zones peuplées de civils sous la menace d’attaques' de la part du régime libyen. Et à faire aboutir sa volonté de clouer au sol l’aviation de Kadhafi pour empêcher l’écrasement de l’insurrection."
Pour la presse française, le mérite de ce vote revient avant tout à Nicolas Sarkozy. “Pris à contre-pied par la révolution tunisienne, timoré face à celle qui a renversé Moubarak, Paris se retrouve en pointe sur le dossier libyen", remarque Libération. "Nicolas Sarkozy a rapidement saisi l’ampleur de la tragédie, y voyant une occasion de retrouver un rôle semblable à celui qu’il avait joué dans la crise géorgienne, en août 2008, alors qu’il présidait l’Union européenne." "Notre pays a joué pleinement son rôle en mobilisant la communauté internationale et en tirant les Etats-Unis de leur torpeur", ajoute Le Figaro. "Puissance méditerranéenne, la France se doit de contribuer à sauver le printemps arabe.”


"L'héritage de l'Irak hante chaque action"

"Il est d'une ironie amère de noter que l’anniversaire du début de la guerre en Irak tombe précisément ce week-end", rappelle outre-Manche The Independent. "Huit ans après les batailles de Bagdad et Bassorah, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne dans un autre pays arabe. L’héritage de l’Irak hante chaque action."
Mais face à Kadhafi, la communauté internationale, et les Européens en particulier, ne pouvaient pas se permettre de ne rien faire. "Il suffit d’un fusil ou même d’une corde pour tuer les gens dont nous voyons les visages souriants en Une des journaux et à la télévision", s'émeut Rzeczpospolita. "Espérons cependant que le monde n’agit pas trop tard. Espérons qu’il peut empêcher un nouveau Rwanda."
De fait, estime Le Figaro, "à Benghazi, l’impératif moral s’impose à tous. Adopté par les Nations unies en 2005, pour tirer la leçon du Rwanda et de la Bosnie, le 'devoir de protéger' les populations civiles menacées ne peut trouver d’application plus évidente. Il ne s’agit pas seulement d’altruisme. Le 'réalisme', que l’on oppose parfois à la morale, est, dans ce cas, du même bord."

Plus prosaïquement, note The Times, nous ne sommes pas "au Rwanda ou au Darfour, où nous pouvions laisser des centaines de milliers de gens se faire tuer, et que le seul impact était sur nos consciences. Ce qui se passe en Libye est plus proche, à beaucoup d’égards, de la Bosnie où nos intérêts étaient beaucoup plus en jeu."
Mais que de temps perdu pour en arriver là, déplore Le Temps. "Un temps précieux a été dilapidé en gesticulations diplomatiques”, regrette le quotidien, suisse. “Voilà à quoi ressemble notre monde de 'gouvernance douce' d’après la Guerre froide, d’après le grand mensonge américain en Irak. Plus aucun gouvernement n’a le courage d’intervenir ‘à l’ancienne’ et de larguer quelques barbouzes dans la brousse ou le désert pour épauler secrètement une guérilla ou un mouvement de libération. Le politiquement correct a gagné la géopolitique. La légalité a pris le pas sur la justice.”

Le maintien de Kadhafi : une humiliation pour tous les Occidentaux

Et maintenant ? "Le maintien au pouvoir de Kadhafi serait une humiliation pour tous les dirigeants occidentaux qui ont voulu sa perte, prévient Le Figaro. Ne nous trompons pas. Sauver Benghazi, c’est entrer en guerre."
En annonçant un arrêt de ses opération militaires, le 18 mars, le régime libyen a peut-être changé la donne. Mais s'il tentait tout de même de réprimer l'insurrection concentrée autour de Benghazi, la communauté internationale serait de nouveau face à une opération militaire qui s'annonce "hasardeuse", estime De Standaard. Que ferons-nous si les opérations aériennes échouent ?, interroge le quotidien belge. "Mettre le pied sur le sol libyen ? Et si Kadhafi utilise sa défense antiaérienne et ses tanks dans des zones peuplées et que des civils meurent pendant un bombardement ? Serons-nous surpris si nous sommes accusés de néocolonialisme alors que les pays arabes sont fiers de se libérer eux-mêmes ?
 (...) D’un point de vue moral, nous ne pouvons que soutenir la résolution de l’ONU", concède De Standaard.
Mais la zone d'exclusion est-elle la bonne solution ? "Depuis l’Irak, nous savons que la guerre est imprévisible dès le premier jour et ne mène pas à la démocratie. Ce n’est pas une invasion, mais, comme l’a démontré l’exemple du Kosovo en 1999, beaucoup de temps peut s'écouler avant qu’un dictateur ne change d’avis."

Union européenne

Cameron et Sarkozy, les généraux de l'UE

Avec un David Cameron "qui a effectué un virage à 180 degrés vers l’interventionnisme", et un Nicolas Sarkozy, qui est passé "du zéro à l'infini" en quelques jours, l'UE dispose d'un "axe franco-britannique [qui] aspire à diriger la sécurité européenne", constate José Ignacio Torreblanca dans El País. 
Les autres européens, en particulier l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, opposées à une intervention en Libye, vont maintenant se retrouver face "à un imbroglio", analyse le quotidien madrilène : "respecter les compromis [une intervention mais après un vote de l'ONU] ou  laisser les éventuelles opérations militaires entre les mains de ce mini-directoire franco-britannique". Une victoire du dictateur libyen serait difficile à supporter pour l’UE, avertit El País. "Son humiliation serait triple", à cause de "sa passivité initiale, par les divisions qu'elle a montrées" et "parce qu’elle devrait ensuite vivre avec le constant chantage énergétique et migratoire auquel Kadhafi la soumettrait".

 

 

 

 

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