mercredi 23 février 2011
Le G20 et le front des villageois
Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde n'ont pas fini de passer des nuits blanches. A la première réunion du G20, il en a déjà fallu plusieurs pour aboutir à un accord ambigu sur une grille d'indicateurs monétaires et commerciaux. Les Chinois ont notamment obtenu des paraphrases molles pour occulter les réserves de change, les paiements courants extérieurs ou les taux de change des monnaies. Pour eux, en bref, le cours du yuan ne regarde pas la communauté internationale ; concept pittoresque évoquant les baronnies moyenâgeuses battant jetons et pratiquant le troc. L'inconvénient est que ce village gigantesque, tout occupé de ses problèmes intérieurs avec ses propres barons régionaux, est en position de peser sur le monde.
Quand on abordera la régulation financière et, plus encore, l'hypothèse d'une taxe mondiale sur les transactions, on verra Washington camper sur les privilèges du village de Wall Street. A la manière dont l'Amérique profonde des « Tea parties » s'affirme explicitement « ennemie de l'Etat fédéral », selon ses propres termes. Ce qui est bien américain... car on ne sait pas que l'écrasante majorité des élus du Congrès ne possède même pas de passeport. Or cette incuriosité sans horizon inspire le pays dont la monnaie est, encore, la seule véritable devise internationale.
Le président du G20 est bien intrépide, qui espère pouvoir enseigner le monde à ces gros villageois. Mais, paradoxalement, son statut d'Européen le qualifie mieux que d'autres pour cet emploi risqué. Cette Europe, en effet, est revenue du temps où elle prenait pour le monde son propre village. Et à force d'accoutumer ses propres Etats à des concessions de souveraineté, elle a appris à distinguer l'essentiel de l'accessoire. Entre-temps, malheureusement, les gros villages ont pris le pouvoir. Il reste à espérer que, comme pour nous, la raison leur viendra avec la perspective de leur déclin.
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