Bonne nouvelle : malgré les éruptions en chaîne au Moyen et au Proche-Orient, on est encore loin d'un baril flirtant avec les 150 dollars, comme en 2008. Mauvaise nouvelle : boosté par la crise libyenne, l'or noir prend, aujourd'hui, l'ascenseur des prix de façon inquiétante. L'arrêt sur image est plutôt rassurant, le film plutôt inquiétant.
Les éruptions démocratiques en Tunisie et en Égypte ¯ pays non exportateurs de pétrole ¯ avaient permis de se rassurer à bon compte. Le baril restait sage, d'autant qu'aucune hypothèque géopolitique ne venait menacer ses artères stratégiques : canal de Suez, oléoduc Sud Méditerranée. Le scénario libyen est loin d'offrir les mêmes garanties. Les compagnies pétrolières le savent mieux que quiconque. Elles ont beau s'abriter derrière un discours sécurisant, leur empressement à stopper la production libyenne (l'allemand Wintershall) et à rapatrier leurs expatriés (Total en tête) en dit plus long que tous les discours usinés en langue de bois.
La « bombe » pétrolière libyenne risque bien d'exploser. Si personne n'en mesure l'onde de choc, personne non plus ne peut, a priori, en contester le potentiel destructeur. Pour des raisons politiques évidentes, tenant à la nature d'un régime souvent tenté par tous les extrémismes. Pour des raisons inhérentes au poids et au rôle économique important de Tripoli sur l'échiquier de l'énergie mondiale aussi.
La Libye est un producteur mondial de premier rang, essentiel pour l'Europe, qui plus est détenteur des premières réserves d'Afrique connues. Sa défection serait très embêtante. En l'état des ressources mondiales, elle ne saurait être comblée instantanément. L'effet de contagion et d'embrasement de la crise au Moyen-Orient ¯ surtout en Arabie Saoudite, le principal gisement mondial identifié ¯ pourrait s'avérer, lui, carrément catastrophique. Car les productions alternatives au cartel de l'Opep, canadiennes ou russes, sont encore hypothétiques ou difficiles d'accès, donc très chères.
Bref, le scénario d'une rupture dans le fragile équilibre entre l'offre et la demande qui garantissait, ces derniers temps, un prix du baril autour de 80 dollars, acceptable pour les producteurs comme par les consommateurs, pousserait les prix vers de nouveaux sommets. Mécaniquement, sans même utiliser le levier de la spéculation...
La flambée du coût du pétrole serait une mauvaise nouvelle pour une économie mondiale toujours en convalescence, quoi qu'on en dise. Le pétrole reste le sang nourricier de l'économie « réelle ». Une hausse brutale et contagieuse du prix des carburants ¯ ravageuse dans l'alimentation, entre autres ¯ pourrait casser les reins d'une reprise fragile, notamment dans la vieille Europe condamnée à une transfusion pétrolière permanente. Le pire, là aussi, n'est jamais sûr.
La très grande majorité des pays producteurs semble avoir bien compris, même au moment de grandes convulsions politiques (Tchad et Angola, entre autres) que la politique de la terre brûlée était totalement contre-productive. Qu'elle sapait les deux piliers de leur économie : la « vente » de pétrole et « l'achat » de touristes. Le problème, c'est que Kadhafi ne fait pas partie de cette majorité...
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