TOUT EST DIT

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mardi 27 juillet 2010

La force du droit

Il fallait que la justice passe. Le tribunal spécial chargé de juger les Khmers rouges rend lundi 26 juillet son verdict dans le procès de Douch, un des derniers responsables vivants du génocide cambodgien. Le procès, longtemps différé, a été complexe. Il s’est heurté à de sérieux obstacles y compris au Cambodge : le premier ministre Hun Sen s’est agacé devant cette juridiction mixte, internationale et nationale à la fois. Réaction guère étonnante : avant de prendre ses distances avec le pouvoir d’alors, lui-même commandait un régiment.

Ces obstacles ne doivent pas masquer des avancées : plus de trente ans après les faits et même si de nombreux responsables, dont Pol Pot (« le frère numéro 1 »), ont été rattrapés par la mort avant d’avoir pu l’être par la justice, le tribunal a quand même pu entendre une centaine de victimes ou leurs proches. Leurs mots sonnaient comme l’écho de ceux de ces deux millions de Cambodgiens morts de la main de leurs tortionnaires ou de la famine planifiée. Un cinquième au moins de la population de ce pays a péri pendant les quatre ans de règne des Khmers rouges.

Les audiences ont ainsi été une plongée dans l’horreur quotidienne du « Kampuchéa démocratique ». Douch – de son vrai nom Kaing Guek Eav – y a eu une part importante quand il dirigeait la prison de Tuol Sleng. Nourri d’une bouillie idéologique faite d’un nationalisme fou et de la pire vulgate marxiste, il a présidé au supplice de plus de 12 000 hommes, femmes et enfants. À son procès, comme Adolf Eichmann jugé à Jérusalem, Douch s’est présenté comme un bureaucrate du crime, obéissant avec minutie aux ordres. Et à la fin, l’ancien chef de S21, l’autre nom de Tuol Sleng, a demandé sa libération. Il a congédié son avocat français qui l’avait poussé à reconnaître sa culpabilité.

Le verdict sera donc lu avec une attention particulière, d’autant que quatre autres chefs khmers vont être jugés en 2011. Sans perspective d’un dédommagement individuel et financier, impossible à organiser, le procès a pris une autre dimension. La probable condamnation de Douch aidera d’abord, par la reconnaissance de l’ampleur du crime commis, à rendre leur dignité aux victimes. C’est l’essentiel. Mais aussi, l’oubli – argument si commode pour les bourreaux (au Cambodge comme ailleurs) – sera plus difficile. Le droit a cette force quand il fait son œuvre.

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