Les chefs d'État d'Afrique de l'Ouest ont menacé le président ivoirien sortant, qui refuse de quitter le pouvoir.
Les chefs d'État de la Communauté économique de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) ont menacé vendredi de recourir à la force pour contraindre le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir au profit de son rival Alassane Ouattara.
Déclaré vaincu du second tour de la présidentielle du 28 novembre par la Commission électorale indépendante (CEI), Gbagbo a décidé de se maintenir en place, provoquant une situation de blocage politique en Côte d'Ivoire et faisant ressurgir le spectre d'une guerre civile. Près de 200 personnes ont été tuées dans des violences depuis l'annonce des résultats par la CEI.
"Une force légitime"
Réunis à Abuja, au Nigéria, pour discuter de la situation ivoirienne, les dirigeants de la Cedeao ont annoncé l'envoi d'un émissaire pour informer Gbagbo qu'il devra faire face à "une force légitime" s'il refuse de démissionner. Un proche conseiller du président sortant a indiqué vendredi que ce dernier tenait une réunion avec son gouvernement pour discuter de la position adoptée par les États de la Cedeao. "À quoi aboutira une intervention militaire ? Qui vont-ils attaquer ? Est-ce qu'ils prévoient d'assassiner le président Gbagbo ?" s'est indigné Alcide Djédjé, ministre des Affaires étrangères du gouvernement Gbagbo.
Les puissances mondiales et les États africains ont accentué leurs pressions politiques et financières sur Laurent Gbagbo estimant que le résultat du second tour ne laisse place à aucun doute, Ouattara l'ayant emporté avec huit points d'écart. "Dans l'hypothèse où M. Gbagbo ne se rendrait pas à la demande de la Cedeao (de démissionner), la communauté n'aura pas d'autre choix que de recourir à d'autres mesures, y compris la force légitime", affirme un communiqué de l'organisation.
Gbagbo maintient sa position
Les 15 États du bloc économique régional précisent qu'ils vont organiser une réunion des chefs d'état-major des pays membres en vue d'une action en cas de refus de Gbagbo. Les États-Unis et l'Union européenne ont imposé des restrictions sur les déplacements de Laurent Gbagbo et de ses proches, tandis que la Banque mondiale et la Banque centrale de l'Afrique de l'Ouest ont bloqué les fonds destinés à la Côte d'Ivoire. "Les États-Unis soutiennent fermement le rôle joué actuellement par la Cedeao pour s'assurer que les résultats de l'élection en Côte d'Ivoire sont respectés et que l'ancien président Gbagbo démissionne", a déclaré Ben Rhodes, conseiller adjoint de la Maison-Blanche à la sécurité nationale, qui accompagne Barack Obama à Hawaï.
Malgré la multiplication des pressions, Laurent Gbagbo ne montre aucune intention de se soumettre et soutient qu'il a remporté le second tour de la présidentielle, comme l'a affirmé la Cour constitutionnelle dirigée par l'un de ses proches. L'impasse politique a pris un tour violent la semaine passée, lors de fusillades entre les troupes gouvernementales loyales à Gbagbo et des partisans qui soutiennent Ouattara. Le Conseil de l'ONU pour les droits de l'homme a publié une déclaration, à l'initiative des États membres africains, pour condamner les violations commises dans le pays et pour appeler à la réconciliation afin d'éviter une nouvelle guerre civile.
Mise en garde
Les restrictions imposées par les institutions financières internationales pèsent également sur le gouvernement de Laurent Gbagbo qui pourrait se trouver à court de liquidités pour payer les soldes de l'armée. Les ministres de la Banque centrale de l'Union économique et monétaire de l'Ouest africain ont décidé jeudi de ne plus reconnaître l'autorité du président sortant. L'accès aux fonds que détient l'institution est désormais réservé au "gouvernement légitime" de Ouattara.
Ahoua Don Dello, porte-parole du gouvernement Gbagbo, a déclaré vendredi, sur la télévision d'État, que la décision de reconnaître l'autorité de Gbagbo était illégale et qu'elle aurait de graves conséquences sur l'Union monétaire. Mercredi, la Banque mondiale avait gelé quelque 800 millions de dollars destinés au financement de la Côte d'Ivoire, laissant augurer des difficultés pour les autorités d'acquitter les salaires des fonctionnaires et des soldats. Pour l'instant, l'armée demeure fidèle au président sortant.
L'ONU ne reconnaît que Ouattara
Charles Blé Goudé, chef de file des Jeunes Patriotes, organisation favorable à Gbagbo, a prévenu que l'envoi d'une force militaire d'intervention risquait de replonger le pays dans un conflit civil semblable à celui de 2002-2003. "Lorsqu'un pays se trouve en difficulté, une organisation comme la Cedeao ne se lance pas dans une guerre contre ce pays, mais elle l'aide à trouver une solution", a dit Blé Goudé. "Je ne comprends pas quel serait l'objectif d'une telle force d'intervention. Tuer des Ivoiriens ?" s'est-il interrogé dans un entretien accordé à RFI.
À New York, les 192 membres de l'Assemblée générale des Nations unies ont reconnu à l'unanimité Ouattara comme le président de la Côte d'Ivoire en acceptant la liste de diplomates que celui-ci a présentée auprès de l'organisation comme celle des seuls représentants officiels du pays. Face à la dégradation de la situation, la France, ancienne puissance coloniale, a appelé cette semaine ses 13.000 ressortissants présents sur place à quitter le pays.
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