TOUT EST DIT

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dimanche 26 décembre 2010

Ces nouvelles droites...

Fatalité historique ? Les misères de la crise peuvent-elles ressusciter les ravages politiques nés de la crise des années 30 ? Le soupçon rôde avec ce regain de populisme et l'épanouissement, un peu partout, de droites nationalistes volontiers xénophobes. En vérité, le monde a beaucoup changé, et l'Histoire ne se répète pas. Mais parfois elle bégaie. Des virus inquiètent. Il faut les suivre à la trace. Non pour broyer du noir. Mais pour éviter de mauvais réveils.

" Tout va très bien, madame la marquise... " Ce tube des années 30 moquait l'optimisme des caciques devant la montée des périls. Contre l'optimisme officiel, le populisme d'aujourd'hui s'engouffre dans la fracture béante qui sépare le peuple de la classe politique (1). Son simplisme militant envahit trois chantiers de la vie publique où tout, à l'évidence, " ne va pas bien " : l'euro, l'insécurité et l'immigration.

Bouc émissaire de la misère publique, l'euro est devenu, pour les nouvelles droites, et contre toute réalité, l'agent docile de la crise. Celle-ci n'a pas détruit dans le monde le capitalisme, mais elle a amoché le peu qui reste, en France, de la respectabilité de l'argent. Les banques sont d'abord accusées d'avoir conduit le système au bord du gouffre. Puis d'avoir ruiné les Etats, sommés de les sauver.

En réalité, toutes les banques n'ont pas cédé à l'enchaînement de crédits virtuels et toxiques. Et les banques ont déjà remboursé à l'Etat leurs emprunts, ce qu'ignore l'homme de la rue. Les réformes pour freiner la dérive spéculative sont tout autant incomprises. D'autant que la finance ne donne pas le sentiment d'avoir guéri tous ses vices. Demeure, devant les yeux écarquillés des pauvres, le spectacle de pactoles financiers dominant de très haut la rigueur imposée au peuple. Que cette rigueur découle surtout, chez nous, de trois décennies de libéralités d'Etat nourries par l'emprunt, c'est encore une réalité ignorée.

Le désarroi s'est trouvé son bouc émissaire. Ce sera l'euro et l'Europe, l'un et l'autre protecteurs et prospecteurs d'un avenir pacifique. Autant dire qu'il reste du pain sur la planche pour nos grands partis s'ils veulent affronter ce mauvais procès. Ils doivent clarifier leur politique et, comme on dit, l'" expliquer aux nuls ". Ils doivent tenir, sur l'Europe, le cap que le couple franco-allemand maintient vaille que vaille. Faute de quoi le Front national et l'extrême gauche plaideront pour le protectionnisme national des années 30. Et pour la mort de l'Europe. Un désastre !

L'insécurité qui touche les faibles plus que les forts répand partout le sentiment d'une décomposition civique. Dans une société où le frein moral se relâche, où le chômage déverse ses poisons, où les zones dites, par litote, " sensibles " entretiennent non seulement l'irrespect de la loi mais chez leurs " sauvageons " l'envie de la défier, policiers et gendarmes ne sont pas à la fête. Ils affrontent, parfois dans des conditions périlleuses, une délinquance multiforme. Beaucoup se sentent découragés par les juges et, disent-ils, leur " culture de l'excuse ".

Pourtant, les juges appliquent, le plus souvent de leur mieux, un code conçu pour un Etat républicain vertueux. Mais les lenteurs de l'institution, des procédures défaillantes, des libérations malheureuses de récidivistes dangereux ont altéré, ici ou là, leur crédit. Il faut coûte que coûte défendre la Justice. Mais elle se défendrait mieux elle-même sans la tonalité idéologue de certains de ses syndicalistes.

L'immigration, enfin, devient dans toute l'Europe l'arène des droites radicalisées. Elles progressent partout, jusque dans les démocraties nordiques, jusqu'aux Pays-Bas ou en Suisse, patries de la tolérance. Ces droites populistes et xénophobes s'écartent de l'ancien nationalisme réactionnaire pour faire de la résistance à l'islamisme, voire à l'islam, leur point de ralliement. Leur doctrine, c'est le refus de l'immigration extraeuropéenne et du multiculturalisme.

Pour nos pouvoirs, l'affaire de l'immigration, ce sera la croix et la bannière ! Contre les séductions populaires d'une résistance, disons plus " ethnoculturelle " que raciste, les droites de gouvernement doivent défendre l'identité évolutive d'une nation ouverte à ceux qui en acceptent les lois et les moeurs. Elles doivent accepter l'islam sans l'islamisation. Pas facile ! Que nos pouvoirs cèdent au multiculturalisme, que notre vigilance laïque se relâche, que le communautarisme s'étale, sans frein, chez les apprentis sorciers de la bien-pensance, alors Marine Le Pen ramassera la mise.

De la mystérieuse " identité nationale " l'impossible débat fut enterré. Mais elle fouaille encore bien des reins et des coeurs.

1. Voir Brice Teinturier, " L'opinion française au crible : une défiance accentuée ",Revue civique, juillet 2010.

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