A voir l'accueil dédaigneux réservé par les syndicats et les partis de gauche aux concessions apportées hier par Nicolas Sarkozy à sa réforme des retraites, il est permis de s'interroger sur l'impérieuse nécessité qu'il y avait à répondre si vite et si fort aux expressions formulées, la veille, par un gros million de Français. Plus rapide, le chef de l'Etat pouvait difficilement l'être. A faire mouvement avant même que les adversaires de la réforme n'aient fixé la date de la prochaine bataille, le risque était de transformer ce seul choix du 23 septembre en fin de non-recevoir. C'est bien ce qui s'est produit. L'urgence, cependant, n'a pas été un choix, mais une contrainte : il fallait aller vite car l'examen parlementaire du projet est déjà très engagé.
L'ampleur des correctifs apportés à la réforme peut surprendre, aussi, puisque celle-ci est loin de couvrir l'intégralité des besoins de financement à venir. A raison d'un demi-milliard d'euros de dépenses annuelles de retraites supplémentaires, la facture des concessions présidentielles est élevée. A fortiori pour des mesures aussi techniques, donc peu lisibles par le grand public, que l'est l'abaissement, de 20 % à 10 %, du taux d'incapacité pour la prise en compte de la pénibilité du travail. Au moins, ces amendements préservent-ils le coeur symbolique et financier de la réforme : le recul des âges de la retraite, celui du droit légal au départ - de 60 à 62 ans -et celui du droit à une retraite sans décote - de 65 à 67 ans.
Le sacrifice opéré par Nicolas Sarkozy n'est pas inutile cependant. Car il ne s'adresse pas aux syndicats, dont l'exécutif n'attend, sur ce dossier, rien d'autre qu'une opposition responsable. Devant une contestation qui, bien plus qu'une simple angoisse face aux années de la vie après soixante ans ou que le douloureux et lancinant refus d'une société vieillissante et sous contrainte, exprime aussi le rejet d'un mode de gouvernance, le chef de l'Etat se devait d'envoyer un signal d'attention, d'écoute et de considération. C'est un message politique adressé à une partie de l'opinion, avec l'espoir qu'elle s'en contentera.
Il le faudra bien car, désormais, toute autre retouche apportée à cette réforme des retraites risquerait, au lieu de les éteindre, de raviver les revendications des opposants, nourrissant, de fil en aiguille, l'espoir d'un détricotage. En 2006, le contrat première embauche avait connu pareil sort. Mais le CPE et Dominique de Villepin qui le portait n'étaient alors guère soutenus par la majorité. Il en va cette fois très différemment.
Raison de plus pour ne plus rien céder.
JFP
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