Le printemps 2010 s'est achevé en Europe sous le poids des lourdes menaces auxquelles faisait face l'euro, dont l'avenir était sérieusement mis en doute par beaucoup. Certes, le pessimisme entretenu par la presse financière et sur les marchés a eu quelques justifications tant le processus ayant abouti à un accord a été chaotique et la communication calamiteuse. Mais ces réactions ont été disproportionnées, elles ont abouti à une sorte d'aveuglement sur la portée des décisions qui ont été finalement prises et dont on verra les effets ce trimestre.
Cette crise a obligé les gouvernements à reconnaître les défauts de conception de la gouvernance de l'union monétaire et ils ont répondu à ce défi. Oui, une nouvelle architecture est en train de se mettre en place pour la zone euro. Elle reposera sur une application plus stricte des disciplines budgétaires surveillées de plus près par les marchés et par des dispositifs européens de prévention et de gestion de crise.
Le premier point sur lequel progresser, c'est la qualité de l'information statistique et du « reporting » financier. Si la Grèce a pu cheminer jusqu'à une situation financière aussi dégradée, c'est d'abord dû à l'opacité et au mensonge. Il faut savoir que les pouvoirs de contrôle d'Eurostat en matière de comptes nationaux des administrations publiques ont été atrophiés parce que les grands pays, notamment la France, ont refusé d'augmenter ces pouvoirs, de crainte de renforcer ainsi celui des institutions européennes. Le nouveau règlement améliore les choses en accroissant sensiblement le pouvoir d'investigation d'Eurostat, c'est la crise qui a permis d'avancer dans cette direction et il faudra veiller à ne pas s'arrêter en chemin.
En matière de « reporting », la Commission a pour le moins fait preuve de négligence. Il pourrait être utile de créer un organe indépendant de surveillance multilatérale. On peut penser dans cet esprit à un Comité des sages, comme en Allemagne, ou à un Parliamentary Budget Office bi-partisan prenant modèle sur le CBO américain avec un mandat plus fort. Cette dernière solution aurait pour mérite d'inclure le Parlement dans ces débats de politique économique. C'est en tout cas un thème sur lequel il est important que la Commission Van Rompuy fasse des propositions au Conseil.
Fondée sur une information financière sûre, l'application des règles et procédures aura de meilleures chances de tester de manière crédible les trajectoires budgétaires et de corriger le tir par anticipation. Les perspectives budgétaires pourraient, comme cela a été proposé, faire face à des feux tricolores, vert, orange ou rouge. Correctement informés par une convergence d'avis et de notations publiques et privées, les marchés financiers feront leur travail. Les « spreads » observés à chaque émission - qui ont été beaucoup trop inertes dans le passé -peuvent, comme on le sait maintenant, atteindre des niveaux décourageant les politiques budgétaires par trop aventureuses. Ce sera le moyen d'internaliser, par chaque parlement national, les engagements financiers auxquels le pays souscrit vis-à-vis de ses partenaires.
Allant très au-delà, plusieurs responsables allemands ont fait circuler l'idée de « sanction » pour les contrevenants mais c'est une impasse politique. Le mot n'appartient même pas au vocabulaire du FMI pourtant expert en matière de discipline budgétaire. Dans un pays démocratique, un citoyen en faillite ne perd pas ses droits politiques. Ce serait s'égarer que d'aller dans cette voie. En revanche, on peut imaginer, à l'instar des programmes du FMI, une sorte de conditionnalité qui restreigne le déboursement de fonds de l'Union pour les pays gravement défaillants.
La crise n'est pas finie et les autorités européennes doivent simultanément créer cette architecture financière plus stable et consolider la reprise. Les décisions déjà prises et celles que la commission Van Rompuy présentera au Conseil sont un pas en avant très positif pour la zone euro, dont on pourrait bien découvrir dans quelques mois, contrairement aux jérémiades du printemps, que c'est la zone « la mieux gérée au monde ».
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