Pour la majorité, les annonces d'hier confirment la réactivité d'un Président qui écoute l'opinion. Pour l'opposition, la rue, pour la première fois du quinquennat, l'aura contraint à faire quelques concessions. En réalité, l'Élysée pressentait une forte mobilisation et avait anticipé qu'il faudrait réserver du grain à moudre.
Cet épisode des retraites souligne les forces et les faiblesses du pouvoir en cet automne à hauts risques où se joue la fin du quinquennat. Nicolas Sarkozy accumule les handicaps. Au plus bas dans les sondages, il donne parfois l'impression de cultiver son impopularité. Et de jouer avec le feu en attendant un remaniement gouvernemental dont la date est sans cesse repoussée.
Sur le dossier hyperdélicat des retraites, le Président est le seul à concentrer les mécontentements. Outre qu'il est dans sa nature de s'exposer, il ne peut plus en être autrement, à partir du moment où il maintient en poste un ministre du Travail très affaibli. À partir du moment où il se dispense des services d'un François Fillon, pourtant de plus en plus offensif. À partir du moment où il travaille avec un gouvernement en fin de CDD.
Il cultive les oppositions en se comportant, hier encore devant les députés UMP invités à l'Élysée, en chef de la majorité, ce qui a le don de braquer des parlementaires. Et de rendre la vie impossible à ceux qui ont la charge d'animer un parti présidentiel, souvent réduit à répéter le discours d'en haut.
Il maintient des dispositions, supportables avant la crise ¯ bouclier fiscal, TVA réduite, droits de succession... ¯ mais jugées inopportunes jusqu'au sein de sa propre famille, en période de rigueur. L'incompréhension monte d'autant plus que le débat budgétaire de l'automne va valoir ses milliards de sacrifices.
Il poursuit sa politique d'annonces instantanées et hétéroclites qui en brouillent la lisibilité, au moment où la peur de l'avenir nécessite plus de repères quejamais. Les surenchères sécuritaires de l'été, parfaite illustration de cette gouvernance, n'ontpas suffi à ressouder la majorité. Elles ont plutôt donné des arguments à Dominique de Villepin, Christine Boutin, Hervé Morin et à nombre de parlementaires de droite de prendre leurs distances.
Instruit par les ravages de l'affaire Bettencourt, il devra pourtant trouver des signaux annonciateurs d'équité lorsqu'il s'agira de raboter les niches fiscales, de ramener la Sécu vers l'équilibre, ou de financer la dépendance. Sans argent dans les caisses.
Pour autant, Nicolas Sarkozy, qui aime l'adversité, n'a pas posé le genou à terre. L'opposition, plus forte des faiblesses de la majorité que de ses propres propositions, lui a, pour l'instant, rendu service. Pour l'instant. Mais parce que le vent semble tourner, l'Élysée veut prendre la contestation de vitesse. Craignant la réaction d'une jeunesse très opposée au projet, il a décidé de réformer les retraites avant la rentrée universitaire. Le maintien du cumul entre l'aide au logement étudiant et la demi-part fiscale n'était pas innocent pour éviter un remake du CPE (Contrat première embauche) de 2006.
Nicolas Sarkozy prend ainsi le pari osé qu'il sortira renforcé s'il réussit à faire voter cette réforme emblématique sans mettre la France dans la rue.
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