TOUT EST DIT

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dimanche 19 septembre 2010

Une ouverture fermée à double tour

Il faut bien s'y résoudre. C'est un mot d'une grande souplesse féminine et toujours séduisant, mais il est désormais virtuel. Vide de tout sens politique. « L'ouverture », c'est bien sympathique. Ça évoque la fraîcheur, le mouvement, la liberté. Une petite brise aussi. Fugitive comme une euphorie de lendemain d'élection. Légère comme une fragrance noyée dans les odeurs capiteuses du réel.
L'ouverture est morte à vingt ans. Fragilité fatale. En 1988, Michel Rocard avait bien essayé de lui donner un peu d'élan en faisant entrer quelques centristes isolés, et quelques « personnalités de la société civile » dans des gouvernements cadenassés par des tauliers mitterrandiens. Les impétrants, valeureux, n'eurent aucune influence sur la gouvernance du pays et l'expérience ne modifia pas d'un millimètre le paysage institutionnel.
En 2007, un Nicolas Sarkozy sincèrement soucieux de réunir Jaurès et Barrès sur le seuil de la France, réitéra l'expérience en convoquant quelques esprits libres de la gauche. Pour les convaincre, il joua de la curiosité des uns, de l'envie d'agir des autres, mais aussi des frustrations, du goût de revanche ou simplement d'ambitions décomplexées. En regardant la photo sur le perron de l'Élysée, on se demanda même : le nouveau président de la République n'allait-il pas nous faire du Bayrou ?
Ce n'était qu'un instantané sans lendemain. Un désir d'enfant pour un jouet rapidement délaissé : Nicolas Sarkozy confessa très vite qu'il ne rapportait pas une voix. Bref qu'il ne valait rien. Aujourd'hui, tout est rentré dans l'ordre, dans tous les sens du terme. Abandonnée délibérément à une dérive droitière -selon l'expression de Jean-Pierre Raffarin- la politique gouvernementale ne sait même plus où est sa gauche. Babord a totalement disparu de son horizon. Jean-Marie Bockel aurait bien aimé, pourtant, que son nouveau mentor lui demande de tirer des bords vers un ouest « moderne ». Las.
Dévalués d'emblée par la vacuité d'un PS moribond jusqu'en 2009, relégués dans des fonctions subalternes, asphyxiés par une omniprésidence ne supportant aucune dissonance, décolorés et aseptisés par la potion de la crainte -l'effroi d'être débarqués- les aventuriers de l'ouverture sarkozienne n'ont jamais monnayé leurs convictions. A l'ombre du pavillon de la solidarité gouvernementale, ils se sont couchés sur le pont à chaque fois que la tempête s'est levée. Seul Martin Hirsch a su rester debout, misant tout ce qu'il représentait -sa différence- pour engager un bras de fer et imposer son RSA. A aucun moment, ses compagnons, eux, n'ont osé contrarier le capitaine quand il prenait le mauvais cap. Otages consentants et silencieux, ils ont préféré descendre à fond de cale pour se faire oublier. Ils y sont parvenus.

Olivier Picard

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