TOUT EST DIT

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dimanche 26 septembre 2010

Retraites: la situation se tend, les chiffres aussi

Et si l'on observait l'évolution du ratio entre les chiffres des syndicats et ceux de la police?
Les commentateurs sont bien embêtés: comment interpréter politiquement les manifestations du 23 septembre? La mobilisation s'essoufle t-elle ou au contraire prend-elle de l'ampleur? Le traditionnel baromètre de la mobilisation —le nombre de manifestants dans les rues— donne l'impression de s'être soudainement déréglé. La police annonce 123.000 personnes de moins dans les défilés que le 7 septembre, les syndicats assurent de leur côté qu'il y avait 265.000 manifestants de plus dans les rues.

À force de voir des écarts fantaisistes entre les chiffres donnés par la police et les syndicats, on s'était habitué à faire une sorte de moyenne en éliminant l'effet de la communication. Si la police dit 1 million et que les syndicats disent 2 millions, la vérité doit être aux alentours d'1,5 millions. Mais les chiffres de la mobilisation du 23 septembre montrent à l'évidence que les deux camps n'ont pas une méthode de calcul constante. (Les Inrocks évoquent la règle d'une personne et demie par mètre carré pour les syndicats, contre une seule personne pour la police)

Pour y voir plus clair, Slate s'est interrogé sur le ratio chiffres syndicats/chiffres police sur les grandes manifestations des 10 dernières années (au moins 1 million de manifestants selon les syndicats).
Il est intéressant de remarquer que Nicolas Sarkozy a presque égalé le record de Jacques Chirac qui avait atteint un ratio de 3,3 lors de la manifestation du 3 juin 2003 contre le plan Fillon sur les retraites (455.000 selon la police, 1,5 millions selon les syndicats). La mobilisation du 23 septembre atteint un ratio de 3, chiffre que l'on n'avait plus enregistré depuis la dernière manifestation sur le CPE, le 4 avril 2006 (1.028.000 selon la police, 3,1 millions selon les syndicats).

Suite à la bataille des chiffres sur la mobilisation du CPE, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, avait monté un groupe de travail pour «sortir des confrontations ridicules qui accompagnent le comptage des manifestants», comme le rappelle lemonde.fr. Quatre ans après, le même Sarkozy tombe dans les même travers pour faire passer sa réforme des retraites —même si le tort est partagé avec les syndicats.

On observe sur le graphique que le ratio police/syndicats exprime l'intensité du blocage entre gouvernements et partenaires sociaux. Quand les deux sont sur la même longueur d'ondes comme lors de la manifestation contre Jean-Marie Le Pen en 2002, le ratio est au plus bas à 1,4 (900.000 selon la police, 1,3 millions selon les syndicats). À l'inverse, quand la situation se tend politiquement, comme lors du CPE ou des débats sur les retraites en 2003 et 2010, les écarts de chiffres deviennent extravagants.
La guerre des chiffres se durcit

Il n'est donc pas surprenant de voir que le ratio syndicats/police a tendance à augmenter au cours d'un conflit social qui dure. Lors des manifestations sur les retraites, il passe subitement de 2 à 3,3. Sur le CPE, il commence à 2,5, puis 2,8, une nouvelle fois 2,8 pour finir à 3 lors de la dernière grande manifestation juste avant le retrait du texte par Dominique de Villepin. On observe dans une moindre mesure le même phénomène lors des mobilisations contre la crise en 2009: 29 janvier, 2,3 -> 19 mars, 2,5 -> 1er mai, 2,6.

Les deux premières batailles des retraites en 2010 s'était soldées par un ratio classique (2,5 le 24 juin, 2,4 le 7 septembre), comme si les deux camps voulaient garder des munitions en prévision de confrontations plus dures. En ayant gardé un ratio raisonnable sur les précédents mobilisations, le gouvernement peut dorénavant comptabiliser les manifestants avec plus de rigueur et assurer ainsi que le mouvement faiblit. De leur côté, les syndicats donnent l'impression de s'être gardé une petite marge de manoeuvre pour assurer que le mouvement ne cesse de prendre de l'ampleur.

Rendez-vous le samedi 2 octobre et le mardi 12 octobre pour vérifier ces observations.

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