TOUT EST DIT

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dimanche 18 juillet 2010

Marine ou Eva?

L’argument le plus piteux, toujours le même, c’est celui de Le Pen, Le Pen qui monte, Le Pen à qui profiterait le crime de vérité! C’est, ces jours-ci,
un mantra UMP, il fut socialiste auparavant: sous Jospin, dénoncer l’insécurité ambiante faisait prospérer Jean-Marie; sous Sarkozy, s’indigner de l’affaire Bettencourt servirait Marine. Silence dans les rangs, et il fallait donc que la République oublie les classes populaires victimisées, et tolère désormais les arrangements des bien-nés, pour ne pas servir les ennemis de la liberté?


C’est pervers. Et c’est idiot. Si Marine Le Pen devait entraîner les foules avec son "tous pourris", c’est que "tous" l’auraient cherché, ayant cadenassé leur système d’entraide et de questions interdites. Intimider les médias, proclamer terminée une affaire qui inspire chaque jour plus de craintes, ridiculiser la parole présidentielle, puisque les scandales ne s’arrêtent jamais quand Jupiter tonne, refuser de confier le dossier Bettencourt à un juge d’instruction… Par peur d’être découvertes, ou par simple arrogance, les élites – quel méchant mot – abîment la République en accumulant les évitements… De ces vaines tentatives se nourrit le sourire retrouvé des Le Pen.

Depuis quelques jours, une étrange imprécatrice vient rompre ce charme, et rend la dénonciation au camp démocratique, comme Sarkozy jadis (l’un et l’autre détesteront le parallèle) sut reprendre la sécurité à l’extrême droite. Eva Joly ne s’embarrasse pas de délicatesses, quand elle déshonore Philippe Courroye, procureur de Nanterre, "aux ordres", selon elle. Mais elle le fait au nom des valeurs de la justice, des enquêtes indépendantes, d’un intérêt général qui justifierait ses philippiques. Ainsi (et le parallèle ne devrait pas les hérisser) l’ancien Sarkozy prétendait rétablir l’ordre républicain, quitte à humilier publiquement un flic jugé laxiste.

Ce n’est pas Marine Le Pen qui l’emportera, mais Eva Joly, ou tout démocrate qui dénoncera le système au nom d’une République insoupçonnable. Au-delà des Bettencourt, des Woerth et des enveloppes de Neuilly, il s’agit de ramener la France aux normes : en finir avec ces faux-semblants où l’on demande à l’Inspection des finances de dédouaner son supérieur, où un procureur soumis à sa hiérarchie doit éclaircir ou blanchir une ténébreuse affaire. C’est un système français sans règle claire ni sanction, qui autorise les dérives et provoque les excès – ceux de la presse aussi. Au Royaume-Uni, désuète monarchie démocratique aux antipodes de notre République absolue, des scandales peuvent naître, mais l’Etat n’en tremble pas. L’affaire des frais de bouche n’a pas empêché les conservateurs d’emporter l’alternance, ni les travaillistes de leur résister. Mais la vérité avait été proclamée, des coupables désignés, des carrières brisées: une justice était passée, qui seule permet la démocratie. En France, nul ne tombe jamais, nul ne démissionne, nul ne paye avant les grands fracas.

Claude Askelovitch

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