TOUT EST DIT

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vendredi 9 juillet 2010

L’espion de proximité

Le démantèlement d’un réseau de renseignement travaillant aux États-Unis pour le compte de la Russie — affaire dont la phase judiciaire a été court-circuitée, hier soir, par l’annonce d’un échange d’agents « à l’ancienne » — a, de prime abord, un parfum suranné. D’aucuns ont pu s’étonner, même, que les pratiques de l’espionnage — pour recourir à un vocable traditionnel — aient survécu à la désintégration de l’Union soviétique, à la décommunisation de la Russie et, avec elles, à la fin de la Guerre froide, déjà largement amorcée sous la présidence de Mikhaïl Gorbatchev. Le cinéma, la littérature et des cas retentissants bien réels avaient accrédité l’idée que les espions étaient intimement liés à la rivalité entre l’Est et l’Ouest, l’URSS et les États-Unis, le communisme et le capitalisme. C’était oublier que le renseignement est de toutes les époques. Les historiens soulignent ainsi que la victoire de Jules César sur Vercingétorix devait beaucoup à un réseau qui informait le généralissime romain de l’état et des mouvements des forces gauloises.

On a aussi pu croire que les techniques très évoluées de capture des données rendraient superflu l’espion en chair et en os : satellites, avions ou drones obtenant, parfois depuis plusieurs centaines de kilomètres d’altitude, des images optiques ou des relevés au radar montrant des détails de quelques décimètres ; oreilles terrestres ou orbitales qui captent les communications tout autour de la Terre ; capteurs de chaleur qui détectent les vols de fusées et d’avions, les sous-marins en plongée, mais aussi des mouvements de troupes et des activités industrielles…

Mais ni les changements politiques de la fin du XX e siècle, ni cette panoplie n’ont sonné la fin de l’espion. À l’heure où la compétition entre puissances est technologique, économique et financière, et sachant qu’il est de bonne guerre d’anticiper les actions d’un concurrent avant qu’elles ne soient visibles ou audibles de loin, il faudra toujours des professionnels sachant lire une planche à dessin, décrypter un disque dur, tendre l’oreille durant un dîner ou inspirer confiance entre deux draps. On le dit dans divers domaines, mais c’est vrai dans le renseignement aussi : la proximité est irremplaçable.


André Schlecht

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