ATT va arrêter de vendre des forfaits d'Internet mobile illimités et introduit un plafond avec un système de recharges en cas de dépassement. L'explosion du trafic sur les réseaux mobiles avec la démocratisation des « smartphones » et des clefs 3G rend la commercialisation de forfaits illimités de plus en plus compliquée.
Les problèmes rencontrés par les opérateurs pour gérer l'explosion du trafic sur leurs réseaux mobiles deviennent plus criants chaque jour. La démonstration est venue cette semaine des Etats-Unis. ATT a annoncé qu'il ne vendrait plus de forfaits permettant de surfer sur la toile de façon illimitée via son téléphone mobile. Les gros utilisateurs d'Internet mobile, ces « mobi-goinfres », vont devoir payer pour ce qu'ils consomment. Fini les menus à volonté, en tout cas pour les Américains clients d'ATT.
Comme l'opérateur est le seul à commercialiser l'iPhone outre-Atlantique, ainsi que des forfaits pour l'iPad, le « smartphone » et la tablette d'Apple, les technophiles vont peut-être donner de la voix. Il se trouve que les détenteurs de ces deux appareils font partie de ceux qui surfent le plus sur Internet pour y retrouver leurs vidéos, leurs musiques et leurs photos préférées.
Pour limiter l'usage, ATT a prévu deux forfaits : l'un est plafonné à 200 mégaoctets par mois pour 15 euros mensuels, l'autre va jusqu'à 2 giga pour 25 euros. Au-delà de la limite, le client devra s'acquitter de la consommation supplémentaire, en achetant des recharges, limitées elles aussi. L'opérateur assure que 65 % de ses abonnés ayant un « smartphone » consomment moins de 200 Mo chaque mois et que 98 % consomment moins de 2 Go. Le hic, c'est que les 2 % restants s'approprient 40 % de la bande passante disponible sur le réseau d'ATT. En clair, 2 % des abonnés d'ATT ralentissent la vitesse de connexion de tous les autres clients. L'Hexagone n'est pas en reste. « Les iPhone et les clefs 3G représentent moins de 10 % de notre parc, mais 85 % du trafic d'Internet mobile », explique Jean-Marie Culpin, directeur marketing des offres grand public d'Orange France.
Saturation des réseaux
Mais la saturation des réseaux semble un problème plus pressant outre-Atlantique, peut-être en raison d'une moins bonne qualité des infrastructures, avancent certains experts. L'hiver dernier, en raison de trop nombreuses connexions à Internet via des « smartphones » ou des clefs 3G, le réseau d'ATT avait connu des coupures intempestives, notamment à New York. En janvier, l'opérateur a annoncé son intention d'investir 2 milliards de dollars de plus dans ses infrastructures de téléphonie mobile aux Etats-Unis sur l'année 2010. Visiblement, cela ne suffira pas à faire face au trafic. Depuis mi-2008, ATT a vendu environ 16 millions d'iPhone et plus de 30 millions de ses clients ont un forfait permettant de surfer en mobilité. Dans une étude publiée en début d'année, Cisco, le premier fabricant au monde d'équipements pour Internet, prévoit que le volume de données appelé à être transporté sur les réseaux mobiles sera multiplié par 39 entre 2009 et 2014 dans le monde. En fait, l'Internet est en train de devenir mobile. Les opérateurs mobiles vont-ils être obligés de mettre fin à ces forfaits illimités ?
La fin de l'illimité ?
« Je pense que c'est inéluctable, car l'économie des réseaux fait face à des capacités limitées. Si tout le monde prend une offre illimitée et l'utilise au même moment, le réseau ne tient pas. Il n'y a plus aucune capacité », selon Henri Tcheng, associé du cabinet BearingPoint. « Les offres illimitées ont un sens quand il s'agit d'amorcer un marché, de créer des usages, ce qui correspond à un moment où les clients sont peu nombreux. Dès que l'Internet mobile se démocratise, que les consommateurs deviennent plus nombreux, alors l'illimité devient irréaliste », considère le consultant. D'ailleurs, « les forfaits ne sont pas réellement illimités, car les débits sont bridés au-delà d'un certain seuil », note-t-il. « Il va falloir que les opérateurs créent plusieurs classes de forfaits. Si un client veut avoir une bande passante et un débit garantis, alors il devra payer plus cher », estime Henri Tcheng. A l'exemple des clients de Vodafone en Espagne qui depuis novembre doivent s'abonner à une formule premium pour continuer à bénéficier d'un service illimité.
D'autres solutions, qui n'excluent pas la création de forfaits différenciés, sont envisagées par les opérateurs, comme pousser à utiliser le Wi-Fi pour toute connexion à Internet à domicile. La borne Wi-Fi étant connectée directement au réseau de téléphonie fixe, l'acheminenement du trafic se fait plus facilement, car la capacité des infrastructures ADSL est supérieure à celle des réseaux mobiles. Enfin, les investissements des opérateurs télécoms vont peut-être augmenter. D'abord dans l'achat de fréquences qui permettent d'apporter plus de capacités. En France, SFR et Orange ont acheté chacun un lot de fréquences 3G pour environ 580 millions d'euros en tout. Ensuite, les achats d'équipements pourraient bien repartir à la hausse d'ici peu chez de nombreux opérateurs. L'arrivée de la quatrième génération de téléphonie mobile est prévue en 2012 sur les marchés développés.
vendredi 4 juin 2010
La gestion des forfaits illimités est compliquée par les nouvelles consommations d'Internet
GUILLAUME DE CALIGNON, Les Echos
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