TOUT EST DIT

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mardi 6 avril 2010

Présider ou régner ?


Nicolas Sarkozy avait donné à son début de mandat la marque d'un volontarisme puissant. Très vite, se réservant l'essentiel des décisions, il est devenu ce dont il rêvait : hyperprésident, supermanager de l'entreprise France. Il affirmait aux Français qu'il savait ce dont la France était malade, ce dont il fallait la sauver, et les remèdes qu'il fallait lui administrer. Cette posture conduit à promettre beaucoup et à s'exposer sur tous les fronts. Elle y contraint même, parce que le moindre retrait risque d'apparaître - y compris aux yeux du chef de l'État - comme un aveu de faiblesse.

Mais, en démocratie, la charge du règne - car c'est de cela qu'il s'agit - est impossible à tenir. Dans la monarchie traditionnelle, le règne s'appuie sur une puissance symbolique, celle de la transcendance dont le monarque est le représentant. En démocratie, le centre du pouvoir est vide. Le gouvernant n'est que le représentant de la volonté du peuple, volonté qui reste toujours en débat. Il n'est donc pas institué pour décider de lui-même, par l'effet du lien qui l'unit à la divinité, mais pour rechercher et exprimer la volonté du peuple assemblé, et non la sienne. Il ne règne pas, il préside. Cette distinction est fondamentale. L'élection a remplacé le sacre pour célébrer le pouvoir, et l'élu n'est jamais que le représentant du peuple qui exerce son autorité par le vote.

Voilà pourquoi Nicolas Sarkozy se trouve en porte-à-faux avec le pays, à mi-mandat. Se mettant en scène comme s'il pouvait tout, il s'est exposé à deux dangers.

Le premier est de se tromper sur la réalité, illusionné par le fantasme de toute-puissance qui hante toujours celui qui exerce le pouvoir. C'est ainsi, pour ne donner que deux exemples, qu'il a engagé une politique économique qui s'est vite retrouvée à contre-courant de la situation mondiale, dès le début 2008. De même, n'a-t-il pas anticipé les réactions que susciterait l'idée de placer son fils à la tête de l'Établissement public d'aménagement de la Défense.

Le second risque est de devoir se dédire régulièrement de promesses trop hâtives et de ruiner la crédibilité de la parole politique. On l'a vu plusieurs fois, de l'emploi à Gandrange jusqu'à l'abandon de la taxe carbone, en passant par le surprenant dirigisme économique qu'il a revendiqué, en vain, à l'égard de Renault, notamment, alors qu'il s'était affiché comme le champion du libéralisme en matière d'économie.

Le discours qui a suivi l'échec des régionales ne semble pas montrer que Nicolas Sarkozy ait changé : que ce soit sur la burqa, sur la Politique agricole commune ou sur la sécurité, c'est toujours la même posture qui prévaut. Celle du « régnant » qui décrète, alors que, sur ces problèmes, il importe d'abord de présider, c'est-à-dire de commencer par établir un vrai diagnostic, indispensable pour proposer des politiques appropriées qui permettent à la population de s'engager dans la construction d'un destin commun.

L'abstention ne provient pas du seul désintérêt des citoyens pour l'échelon régional, elle traduit plus fondamentalement le rejet d'une telle conception de la politique, dont Nicolas Sarkozy n'a pas le monopole, mais dont les effets peuvent être aussi démobilisants qu'illusoires.



(*) Éditeur et écrivain.
Jean-François Bouthors (*)

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