TOUT EST DIT

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mardi 6 avril 2010

Les dangers de la forteresse

Allons-y, prenons le risque de choquer : la violence n'est pas un problème majeur de l'école française. Il faut le rappeler très tranquillement quand seulement 5% à 10% des établissements sont concernés. 5 à 10% c'est encore trop, beaucoup trop, évidemment. Un pourcentage inacceptable de gâchis pour des centaines de jeunes collégiens et lycéens, victimes d'un handicap qui mérite la mobilisation de la Nation. Mais cette addition de tragédies scolaires reste suffisamment limitée pour qu'elle ne déclenche un tour de vis généralisé.
La tentation de sanctuariser l'école part de l'intention louable d'assurer aux élèves un cadre serein pour étudier et s'épanouir. Mais opter pour cette option sécuritaire créerait un danger sans doute bien plus réel que celui qu'il prétend conjurer. Rien ne serait pire que de porter un regard de méfiance et de crainte sur les jeunes, a fortiori dans les quartiers difficiles. Le recours à la manière musclée risquerait de provoquer une incompréhension, voire un rejet de tout ce qui symbolise l'ordre. Imposé à des élèves incrédules, il alimenterait inévitablement une culture d'opposition à toute forme d'autorité venue de l'extérieur. Et il dévaloriserait du même coup celle de la communauté éducative ! Quel aveu d'échec en perspective.
En mettant en garde d'entrée de jeu contre une « dramatisation excessive » de la situation, l'organisateur des « états généraux » contre la violence scolaire, lance plus qu'un avertissement contre les analyses trop rapides. Une mise en garde contre les simplismes qui ne régleront rien. Ni les élèves, ni leurs professeurs, ni même l'immense majorité des principaux et proviseurs, n'ont envie de travailler à l'abri de portails de sécurité à l'entrée, ou de patrouilles de policiers et de gendarmes à l'extérieur. Toutes les enquêtes, les unes après les autres, montrent que l'école-forteresse, inévitablement isolée de la vie réelle, ne serait la solution. Il serait ridicule de vouloir la mettre sous cloche quand plus de huit parents sur dix pensent que leurs enfants sont en sécurité dans leur établissement...
Le succès de La journée de la jupe - où Isabelle Adjani, en prof de lycée au bord de la crise de nerfs, se révolte contre l'irruption d'une violence brute dans sa propre classe - suffirait à démontrer à quel point l'école est traumatisée par ce fléau, pourtant... Mais au fond, elle reste persuadée qu'elle ne parviendra à le vaincre qu'en s'engageant elle-même pour se faire respecter.
Même si Luc Chatel s'en défend, le gouvernement - qui voudrait apporter une réponse immédiate, et surtout visible, à un problème sensible aux yeux d'une partie de son électorat - hésite encore à se prêter à une réflexion de plus. Elle seule, pourtant, pourrait prendre la vraie dimension d'un phénomène qui dépasse largement du cadre scolaire. Et y répondre avec les yeux du XXIe siècle.

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