TOUT EST DIT

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mercredi 7 avril 2010

L'honneur du journalisme d'enquête


Si le journalisme est un très beau métier, c'est qu'il s'impose des exigences sans lesquelles il perdrait de son intérêt et de sa crédibilité. L'aimer, c'est connaître ses frontières et les assumer. Le respecter, c'est accepter sans états d'âme de le désacraliser, de le démythifier pour le débarrasser des fantasmes qu'il suscite bien au-delà des limites du raisonnable.
Ni James Bond, ni Rambo, ni chevalier blanc de la justice : le journaliste n'a pas à se prendre pour ce qu'il n'est pas. Informer - en toute liberté et les yeux grands ouverts- est un engagement suffisamment lourd et suffisamment exaltant pour ne pas le surcharger de missions impossibles.
Au diable la religion du scoop, du coup, de l'audience, cette perversion de la profession. Mieux vaut ne pas franchir certaines frontières quand on sait que l'investigation obligera à transgresser de précieuses limites éthiques. La charte des devoirs du journaliste, presque centenaire, est sans ambiguïté : il « s'interdit d'invoquer un titre ou une qualité imaginaire, d'user de moyens déloyaux pour obtenir une information ou surprendre la bonne foi de quiconque (...) ; il ne confond pas son rôle avec celui du policier ».
Les règles sont donc claires - et contraignantes. Elles signifient : pas de caméra cachée, pas de fausse identité, pas de dissimulation... Cette transparence a un prix. Elle privera le journaliste, et sa rédaction, d'une révélation ou d'une vérité qu'il ne pourrait atteindre que par des moyens biaisés. Et alors ?
Gare à la prétention ! L'enquête est un genre noble ; elle a écrit les plus belles pages de l'histoire de la presse des pays libres. Mais les journalistes doivent prendre soin de ne pas mélanger les genres en se prenant pour des justiciers, comme l'ont fait les équipes du magazine « Les Infiltrés », sur France 2. Elles ont voulu faire concurrence aux gendarmes et aux policiers en traquant des pédophiles, mais contraintes par la loi, pour protéger des enfants en danger, à dénoncer ceux qui s'étaient livrés à elles.
Orgueil fatal. Il a mis en péril le respect absolu du secret des sources d'information, condition fondamentale et valeur non négociable de la confiance qu'on accorde aux journalistes. Mieux vaut, pour ces derniers, rester observateurs méticuleux de certaines affaires que d'en devenir des acteurs imprudents, piégés par leur vanité au point d'y noyer leur âme.

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