TOUT EST DIT

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vendredi 9 avril 2010

La triple peine des sinistrés


On devrait tous se sentir, ce matin, Vendéens et Charentais de coeur, frères et soeurs de sinistrés. Certains ont reçu, hier, un second coup de massue, attendu certes, prévisible sans doute, inéluctable peut-être, en tout cas jamais asséné en France avec une telle rapidité et ampleur. Ce sont donc 1 395 maisons qui vont être rasées dans les zones à risque maximum d'inondation. Les zones noires. Un trait de crayon, quelques mètres d'écart, une hauteur d'eau un peu plus forte, ici, la nuit fatidique du drame, et votre patrimoine, chichement constitué parfois, âprement préparé en vue d'une retraite radieuse en bord de mer, est une deuxième fois englouti.

C'est une seconde peine infligée aux plus fragiles des sinistrés. Triple peine en réalité, car l'avenir reste, quoi qu'on en dise, angoissant. D'où un légitime sentiment de colère parfois, d'incompréhension souvent. Quand toucheront-ils leurs indemnités ? Où pourront-ils reconstruire ? L'État et les assureurs promettent d'agir sans délai, d'indemniser sans chipoter. Mais parle-t-on en semaines, en mois, en trimestres ?

Le gouvernement aurait-il dû, dans ces conditions, prolonger la concertation avant toute annonce ? L'équité n'exigeait-elle pas de donner du temps au temps ? En tranchant le débat, en appliquant dans toute sa rigueur le principe de précaution, l'État a voulu se projeter, sans tarder, dans l'avenir. Ces terres urbanisées souvent à la va-vite, conquises sur la mer à l'abri de digues éphémères, objet de convoitises spéculatives, risquaient à nouveau de dramatiques inondations dans dix, vingt, cent ans. Ou un jour prochain. Prolonger la réflexion, hésiter, c'était aussi maintenir les habitants dans la pire des incertitudes.

Cette décision lourde, massive, sans équivalent dans le passé, souhaitée par le président de la République, marque, d'évidence, un changement de méthode dans la prévention des risques en France. En bon pays latin, un brin fataliste et oublieux des leçons du passé, on se pensait à l'abri des grands sursauts de la nature. On s'est beaucoup moqué, jadis, de ce pauvre Mac Mahon, contemplant, en 1875, les crues de la Garonne, et qui se serait exclamé : « Que d'eau, que d'eau ! » avant de tourner les talons.

Face aux risques, on a souvent tourné les talons. Fermé les yeux. Certes, depuis une dizaine d'années, consigne est à la mise en oeuvre de plans de prévention. Mais que d'atermoiements et de délais interminables. Ce fut le cas en Vendée. Trop d'intérêts en jeu. Trop de résistances. Trop de procédures. Trop d'indifférence de la part des habitants eux-mêmes, il est vrai souvent très mal informés des vrais risques.

Ces événements de Vendée et de Charente-Maritime marquent, en fait, la fin de l'inconscience. La fin de ce laxisme qui favorise l'anarchie immobilière en bord de mer. On ne tranchera pas ici le débat entre les tenants du réchauffement climatique et leurs adversaires « climato-sceptiques ». Mais les comptes sont faits. Les catastrophes naturelles ne relèvent plus de l'exceptionnel en France. Elles ont coûté 30 milliards d'indemnisations en vingt ans ! Ce chiffre devrait doubler dans les vingt ans à venir. De quoi plomber un peu plus les comptes de la nation et creuser la dette publique. L'indifférence aux risques naturels n'est donc plus de mise. Le laisser-faire serait criminel.


Bernard Le Solleu

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