TOUT EST DIT

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mardi 30 mars 2010

Comment les libraires veulent se tailler une place sur internet

Les libraires lanceront à la rentrée une plateforme commune de vente en ligne afin de répondre aux géants de l'Internet et de relever le défi du livre numérique. Mais ils devront aussi faire avec les éditeurs et le législateur. Le point avec Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la Librairie Française.

Alors que Google s'apprête à lancer sa librairie de livres numériques cet été, les libraires français s'organisent pour conserver leur place sur le marché. Ils ouvriront à la rentrée un portail des librairies indépendantes, à la fois plateforme d'hébergement de sites de vente en ligne et intermédiaire technique pour la connexion avec les plateformes numériques des éditeurs. Mais la désunion de ces derniers et les incertitudes réglementaires relatives au prix du livre ne facilitent pas leur travail. Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la Librairie Française (SLF), détaille ce projet.

Quelles seront les fonctionnalités de la plateforme de vente commune des libraires ?

Guillaume Husson. Ce portail permettra deux choses: la vente en ligne de livres papier, et la vente de livres numériques. Pour les livres papier, il y aura un centre logistique centralisé. Sur le numérique, nous ne savons pas encore très bien comment cela va fonctionner, car les discussions sont en cours.

Comment cela va-t-il fonctionner ?

Le schéma que nous préconisons, c'est de dupliquer ce qui existe dans le réseau physique, où tous les libraires passent par un seul prestataire pour leurs commandes, Dilicom (diffuseur unique du livre, dont chaque éditeur détient une participation, ndlr). Dans le monde numérique, l'idéal serait que le portail des libraires joue le rôle d'intermédiaire entre les libraires et un distributeur de livres numériques unique, qui rassemblerait les catalogues numériques de tous les éditeurs. En effet, pour les libraires, s'interfacer avec une plateforme numérique, cela représente un investissement de quelques dizaines de milliers d'euros, totalement disproportionné par rapport à ce que cela rapporte aujourd'hui. D'autant plus qu'il faut répéter cet investissement pour chaque plateforme (ex: Numilog, Editis, Eden Livres... - ndlr). Il faut donc que les libraires puissent mutualiser ces efforts.

Ce distributeur unique dont vous parlez, ce serait la "plateforme unique du livre" évoquée dans les rapports Zelnik et Tessier ?

Pas tout à fait, tout dépend ce que l'on met derrière cette plateforme. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas aujourd'hui que les éditeurs se soient mis d'accord pour faire exister cette plateforme commune. (Hachette s'oppose à la création d'un hub des éditeurs, dans l'optique d'imposer sa plateforme Numilog, leader actuel du marché, ndlr)

Proposerez-vous néanmoins une offre numérique dès l'ouverture du portail ?

Au lancement en octobre, il y aura l'usine à sites, qui permettra aux libraires de construire leur espace au sein du portail et de l'animer, le centre logistique mutualisé, et l'offre numérique centralisée. Les prestataires sont en partie choisis. L'un des défis est de tendre vers la performance d'un Amazon en termes de moteur de recherche et de recommandations. Sur l'offre numérique, s'il n'existe pas de distributeur numérique unique, nous nous interfacerons avec chaque plateforme.

Le portail des libraires est une entreprise ?

Oui, c'est une société dont sont actionnaires les libraires, qui ont mis 750.000 euros au pot. L'Adelc (Association pour le Développement de la Librairie de Création) s'est associée à hauteur de 500.000 euros. Nous sommes actuellement en discussion avec d'autres financeurs, et avec les libraires qui deviendront adhérents. Au lancement, il y aura entre 60 et 80 adhérents, c'est-à-dire qu'ils payent une cotisation pour faire partie du portail.

Cela fait un intermédiaire supplémentaire à rétribuer pour les libraires. Mais avec le livre numérique, ils ne payent que ce qu'ils vendent ?

Le libraire ne paye que les commandes passées par le client final, les invendus n'existent pas Effectivement, le portail représentera une commission supplémentaire, mais sans ce portail la plupart des libraires ne pourraient tout simplement pas entrer sur le marché du livre numérique. La question n'est pas de savoir si les libraires voudront venir au livre numérique, mais s'ils le pourront. L'autre condition, c'est que les libraires puissent maîtriser le prix public de leurs offres.

C'est-à-dire ?

Comment faire pour maîtriser ce prix si les éditeurs eux-mêmes ne le peuvent pas, comme c'est aujourd'hui le cas aux Etats-Unis ? La préconisation des éditeurs, c'est ce qu'on appelle le contrat de mandat. Hors loi Lang, il permet aux éditeurs de conserver la maîtrise du prix des livres numérisés, sans tomber sous le coup de la loi sur les ententes sur les prix. L'inconvénient, pour les libraires, c'est que cela réduit considérablement sa marge de manoeuvre en termes de mises en avant, d'opérations commerciales, etc. Il devient comme un distributeur de presse. Certains éditeurs privilégient même cette solution au prix unique du livre, car cela leur permettrait de dissocier leur offre selon le type de client. Concrètement, distribuer un livre en exclusivité chez un libraire ou un réseau de librairies, par exemple. Donc le prix unique du livre est un enjeu majeur pour nous. Il faut à tout prix que les règles du jeu soient équilibrées.

La librairie en ligne de livres numériques de Google, Google Editions, sera lancée cet été. Pour les libraires, est-ce l'équivalent de épouvantail Google Livres pour les éditeurs ?

On ne connaît pas encore bien les conditions de l'offre de Google. Mais les libraires ne sont fermés à rien. Ils considèrent simplement que le marché du livre vit sur deux piliers juridiques aujourd'hui: le prix unique, et la propriété intellectuelle. Pour l'instant, Google ne propose rien aux libraires. S'il y a des discussions, elles doivent avoir lieu sous condition de ne pas favoriser l'émergence d'un monopole. Tant que le marché reste ouvert, les libraires considèrent qu'ils ont une place à prendre.

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