TOUT EST DIT

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vendredi 18 décembre 2009

Nicolas Sarkozy face au défi d’une reprise poussive

Nicolas Sarkozy et François Fillon en viendront-ils un jour à regretter le temps de la récession? Sans doute pas. Mais que la sortie de crise s'annonce difficile! Et comment affronter, avec la croissance poussive qui s'annonce, les défis de 2010, l'amorce d'un redressement des finances publiques et la réforme de la protection sociale, retraites en tête?
"Notre pays", se félicitait encore le président de la République le 14 décembre, est "l'un de ceux qui a le mieux résisté dans la crise". Cela est vrai. Le plan de relance, le choix de laisser filer les déficits et jouer les stabilisateurs automatiques, le modèle social français et ses amortisseurs ont conjugué leurs effets pour limiter l'ampleur de la récession, la plus grave que le pays a connue depuis les années trente.

La contraction du produit intérieur brut (PIB) ne devrait pas atteindre -3% comme on le redoutait en 2009. Elle devrait finalement tourner autour de -2,3%, selon la dernière note de conjoncture de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), présentée jeudi 17 décembre.

Mais en 2010 le redémarrage s'annonce laborieux avec une croissance trimestrielle de l'ordre de 0,3% à 0,4% selon l'Insee. En présentant les travaux de son département, Sandrine Duchêne, responsable de la conjoncture, a insisté sur "l'hétérogénéitéde situations" prévalant dans les économies avancées. "Il y a des pays où l'activité peine à redémarrer, comme l'Italie, l'Espagne, le Japon et le Royaume-Uni. Et d'autres où la demande est soutenue, comme les Etats-Unis ou l'Allemagne", a-t-elle expliqué.

La France, avec sa "reprise laborieuse" se situe à mi-chemin entre les pays qui redémarrent vite et les autres. La demande privée n'y embraie que très lentement. Le moteur de la consommation, pourtant si décisif pour la croissance, tourne au ralenti. Le climat des affaires n'est pas bon et les dernières enquêtes de conjoncture annoncent davantage un ralentissement à venir de l'activité qu'une franche reprise. L'Insee ne prévoit d'ailleurs pas d'accélération d'ici la mi-2010.

La sortie de crise est placée sous le signe d'un "redémarrage à petite vitesse", qui n'a rien d'enthousiasmant. Depuis le choc brutal de la charnière des années 2008-2009, marqué par un recul du PIB de 1,5% au quatrième trimestre 2008 et de 1,4% au premier trimestre 2009, la croissance trimestrielle semble condamnée à osciller entre +0, 3% et +0,4%. Pas de quoi doper l'emploi ou réduire le nombre des demandeurs d'emploi.

Le taux de chômage, qui était de 7,8% fin 2008, devrait continuer d'augmenter fin 2009 et début 2010 mais moins fortement qu'au creux de la récession. Au deuxième trimestre 2010, il atteindrait 9,8% en France métropolitaine et 10,2%, si l'on y ajoute les Dom. Autant dire qu'il restera en 2010 l'un des principaux sujets de préoccupation des Français et de l'exécutif.

Les dispositifs de soutien aux ménages (primes de solidarité active, primes à certaines catégories de chômeurs, baisses d'impôt pour les contribuables les plus modestes, etc.), qui avaient été décidés au sommet social du 18février, n'avaient pas vocation à être reconduits. Certaines mesures de soutien à l'activité, comme l'extension du chômage partiel, sont également censées ne durer qu'un temps.

Le gouvernement pourra-t-il, pour autant, rester l'arme au pied devant la perspective de l'arrivée en fin de droits d'un million de chômeurs? C'est fort peu probable, ne serait-ce que parce que 2010 est une année électorale. Il lui faudra donc indemniser la majorité des chômeurs qui basculeront dans le régime de solidarité, à la charge de l'Etat.

Le colmatage des brèches sociales ouvertes par la récession et par un chômage redevenu massif imposera au gouvernement de prendre quelques libertés avec le programme draconien de réduction de la dépense publique nécessaire au respect de la parole donnée à Bruxelles (ramener le déficit public sous la barre des 3% du PIB d'ici à 2013). Mais s'il le fait, il se trouvera en porte-à-faux avec la Commission européenne et risque d'isoler la France en Europe.

EXERCICE REDOUTABLE

A l'inverse, engager la réforme de l'Etat-providence, comme le souhaite Nicolas Sarkozy, dans une période de croissance faible est un exercice redoutable. Economiquement, car il risque de tirer la croissance vers le bas et de pénaliser une consommation dont l'Insee vient de souligner qu'elle tournait déjà au ralenti. Socialement ensuite, car la réforme des retraites, même présentée comme une nécessité à l'endroit des jeunes générations, est un sujet délicat et passablement anxiogène. L'allongement inéluctable de la durée de cotisation est compliqué à "vendre" dans un pays comme la France où l'emploi des seniors pose tant de problèmes. La baisse du taux de remplacement, inscrit dans les réformes de 1993 et de 2003, est des plus impopulaires.

Les sujets d'inquiétudes sont à la mesure de la complexité du dossier. Le gouvernement a peu de chances d'en tirer un profit immédiat. Comme le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, qui ne fait pour le moment économiser que 498millions d'euros à l'Etat, le recul de l'âge de départ à la retraite est important car il permet d'infléchir à moyen terme la tendance à l'accroissement des dépenses. Mais à court terme –c'est-à-dire à l'échelle de la vie d'un gouvernement – il risque fort de ne dégager aucune économie substantielle.

Où qu'il se tourne, le gouvernement risque de se trouver piégé. Piégé par une croissance trop faible pour lui laisser la moindre marge, piégé par ses engagements à l'égard de Bruxelles, et contraint de naviguer à vue dans un environnement des plus incertains.
Claire Guélaud

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