TOUT EST DIT

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dimanche 6 décembre 2009

FOODING : LES CONS N’ARRETENT PAS LE PROGRES !

Nous ne pensions pas la chose gastronomique tombée si bas que l’on puisse encore descendre un cran au-dessous. Déjà très avancé dans l’inanité culinaire et la fatuité culturelle, le mouvement « Fooding », dont la définition exacte continue d’échapper aux esprits les plus subtils de notre intelligentsia nutritionnelle, vient de passer le cap du « hors concours » au palmarès de la connerie.
Au prétexte de remédier au phénomène de « l’ennui à table », le Fooding s’aventure vers des espaces où l’appétit et la gourmandise n’ont plus vraiment de sens.
Mais en avait-il seulement besoin pour exister ? On se le demande.
Si la confusion consiste à tout mélanger, alors c’est un triomphe...

Nous respectons la démarche par l’ampleur de son absurdité, chacun ayant le droit de perdre son temps en considérations inutiles, mais là, il faut avouer que la prouesse frôle l’œuvre d’art. Voici le contenu de la dépêche AFP signalant l’initiative : « Le Fooding, mouvement culinaire « contre l'ennui à table », fête jusqu'au 4 décembre, à Paris, une cuisine politiquement incorrecte, en invitant plusieurs chefs à réaliser, masqués, une recette totalement déviante, bouleversant les codes gastronomiques. Le coup d'envoi a été donné lundi soir par Petter Nillson, le jeune chef de La Gazetta, un bistrot parisien tendance, qui a servi un plat inconvenant, mais dans une « démarche œcuménique », en mélangeant des légumes symbolisant toutes les religions, le tout surmonté d'une frite en forme de croix et intitulé « érection cistercienne ». »Le correct et l'incorrect règnent sur la politique, et sur ce que l'on peut dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire. On s'est dit que c'était le bon moment pour nous pencher sur l'incorrection en cuisine », a expliqué à l'AFP le critique gastronomique Alexandre Camas, l'un des fondateurs du Fooding.

Parmi les chefs invités par la « Semaine du Fooding », le célèbre pâtissier Pierre Hermé, star internationale du macaron, se fera violence en réalisant une barre chocolatée façon industrielle, l'un des symboles de la « malbouffe». Réalisé par un autre chef, un « tagada de lièvre à la royale façon rose bonbon » sera également servi à 150 convives qui auront décroché un indispensable code d'accès sur www.fooding.com, et acquitté sur place un droit d'entrée de 10 euros au profit d'Action contre la Faim. Ces plats irrévérencieux ou volontairement plein de défauts, sont proposés sur des tables de cantines disposées dans le bassin asséché de la piscine Molitor, au sud-ouest de Paris, abandonnée aux taggers depuis vingt ans.

Poussant le concept jusqu'au bout, les chefs invités cuisinent masqués. Autre « incorrection » au programme: un carpaccio de cheval proposé en entrée, alors que la polémique a été récemment relancée sur cette consommation par l'ex-actrice Brigitte Bardot, ardente militante de la cause animale. Au cours de cette « Semaine du Fooding », des soins du corps « pur beurre » seront proposés, ainsi qu'un mariage audacieux entre du champagne et les fromages les plus coulants, voire les plus forts, tels le munster. ». Voilà. A n’en pas douter, les « corrects » vont se tordre de rage, se pâmer d’angoisse.

Peut-on à ce point aimer si peu manger, et considérer la gastronomie comme un art si inférieur, voire vulgaire, pour que l’on puisse exercer à son endroit ce genre d’outrage avilissant ? Nous connaissons Alexandre Camas, dont le talent et les compétences sont incontestables, autant que ses qualités humaines, d’où notre étonnement de le voir placer le concept de l’incorrect, ô combien nécessaire en ces temps hyper conformés, sur ce terrain-là.

L’incorrection en cuisine existe depuis bien longtemps, avec ses formes géniales, régressives, audacieuses, perverses ou futuristes. Le propre de la cuisine, c’est d’être toujours incorrecte. C’est sans doute ce qui la sauve. Bien malin celui qui a l’audace de pouvoir cristaliser l’incorrect à un moment donné. Aussitôt dit, aussitôt renié. Quant au fait de « bousculer les codes gastronomiques », le guide Michelin croit le faire chaque année en donnant trois étoiles à ces restaurants-là. Le Fooding est, en ce sens, un concentré de bien pensance très à sa place dans le mauvais goût référencé « moderne ». On déteste à ce point l’artisanat et ses effluves émanant de la France moisie que l’on finit par confondre l’arme et la cible.

Le Fooding n’est ni bête, ni méchant, ni juste, ni injuste, ni révolutionnaire, ni réactionnaire, en s’adonnant à genre de facéties, il est le reflet de son temps. Et c’est peut-être là sa vertu. De là à compromettre les espoirs que certains fondent sur un renouveau des vocations dans les métiers de bouche… Qu’importe.
Mais alors pourquoi s’arrêter-là et ne pas voyager jusqu’au bout de cette nuit gustative en rejoignant le metteur en scène Jan Fabre sur les planches d’Avignon ?

A irrévérencieux, irrévérencieux et demi.
Puisque l’acte alimentaire finit aux chiottes, réduisant, quelle que soit sa noblesse, toute cuisine à l’état de merde, pourquoi ne pas faire déféquer un mangeur de caviar sur une scène, en intitulant son œuvre «crotte de sévruga », avant de faire uriner un buveur de sauternes pour recueillir sa « pisse d’Yquem » ? Il ne doit pas y avoir de limite au progrès. Et encore moins à la connerie.
Comme disait le général franquiste Millan Astray, chef de la légion étrangère espagnole durant la guerre civile de 1936 : « Muera la inteligencia ! ».

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