TOUT EST DIT

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jeudi 14 mai 2009

Sanctionné par l'Europe, Intel va-t-il enfin jouer fair-play contre AMD?

Bruxelles ne plaisante pas en matière d'abus de position dominante. Après Microsoft, c'est Intel qui vient d'en faire l'expérience avec une amende de plus d'un milliard d'euros. Il faut dire que le n°1 des microprocesseurs ne recule devant rien pour asseoir sa domination.

Cette fois, le couperet antitrust est vraiment tombé sur Intel. La Commission européenne a en effet dégainé à l'encontre du n°1 mondial des microprocesseurs la plus grosse amende de son histoire : 1,06 milliard d'euros. Soit 4,15% de son chiffre d'affaires. Microsoft, le précédent détenteur du record avait écopé de 899 millions d'euros.

A cette facture géante s'ajoute l'ordre de mettre fin à des pratiques anticoncurrentielles visant à exclure les concurrents du marché des processeurs x86. Autrment dit, les puces de référence pour les PC.
Plus de 4 ans de bataille pour AMD

Intel a bien évidemment aussitôt fait appel. Mais l'avertissement est sévère pour un groupe qui avait jusque là échappé à toute véritable sanction, en dépit de condamnations par les régulateurs japonais et coréens. D'où la satisfaction de son principal concurrent, AMD, dont les plaintes sont à l'origine de la procédure européenne. "La décision de ce jour est une étape importante dans la mise en place d'un marché véritablement concurrentiel", a ainsi déclaré son PDG Dirk Meyer, dans un communiqué.

Reste que cette victoire est aussi teinté d'amertume. « Cela fait plus de 4 ans que l'on se bat, que l'on paye des sommes absurdes malgré nos finances pour que la justice soit faite et que les pratiques d'Intel soient enfin exposées au grand jour », nous expliquait Tom McCoy, le responsable juridique d'AMD à la veille de la sanction de Bruxelles. Car entretemps, le fondeur de Sunnyvale a accumulé les difficultés et les pertes.

Contraint de céder ses usines de production, le groupe vit depuis deux ans au rythme de réorganisations permanentes - dont la dernière a encore eu lieu la semaine dernière avec le départ du chef de l'activité des microprocesseurs. Et AMD doit se contenter de 22,3% du marché mondial des microprocesseurs contre 77,3% pour son rival, selon le dernier pointage d'IDC. La décision européenne n'est donc vécue que comme une première étape, en attendant de porter enfin la bataille sur le principal marché, les Etats-Unis.
Vers une sanction aux Etats-Unis?

« Les autorités de régulation américaines semblent attendre la décision de l'Europe. Mais en cas de décision en notre faveur, elles pourraient rapidement leur emboîter le pas et accélérer leur enquête contre Intel » prédisait la semaine dernière Tim McCoy. Il misait déjà sur la nouvelle approche de l'administration Obama alors que « l'attitude du précédent gouvernement était de laisser faire Intel, tant qu'il ne s'attaquait pas à une entreprise vitale pour l'économie américaine ».

Coïncidence ? Alors que la rumeur d'une condamnation d'Intel enflait depuis quelques semaines, le ministère américain de la justice a récemment fait savoir que sa division Antitrust aurait désormais les pleins pouvoir pour enquêter et sanctionner les entreprises qui abusent de leur position dominante. "La Division va revenir aux méthodes déjà employées avec succès (et notamment contre Microsoft, NDLR) pour faire respecter nos lois antitrust", indiquait le Ministère. Un discours porteur de tous les espoirs d'AMD.

Dans cette bataille juridique mondiale qui oppose les deux fondeurs américains, tout a en fait commencé au Japon. Intel a forcé des constructeurs informatiques nippons à abandonner les puces de son concurrent sous peine de sanctions. "La stratégie d'Intel est de nous garder au-dessous de 20% de part de marché, car au-delà leur monopole est en péril. Au Japon, on avait dépassé les 25%, c'était devenu dangereux pour eux et ils ont brandi deux menaces - le rationnement des produits et la suppression des remises - aux constructeurs qui travaillaient avec AMD", se rappelle McCoy.
Remises conditionnelles et "paiements directs"

Intel allouait ainsi un très faible nombre de puces aux fabricants d'ordinateurs non-coopératifs, qui dépendaient de lui pour la majeure partie de leur gamme d'ordinateurs. "Quant aux remises, c'étaient en fait des primes de loyauté qui n'étaient versées qu'à condition d'acheter la quasi-totalité de leurs puces chez Intel. Résultat, en trois mois, notre business au Japon s'est effondré", s'insurge le responsable d'AMD. Si la sanction n'a pas été à la hauteur de la condamnation, celle-ci a servi de précédent dans la procédure européenne.

Dans son jugement, la Commission insiste elle aussi sur l'illégalité de ces "remises accordées à des fabricants à la condition qu'ils s'approvisionnent exclusivement ou quasi-exclusivement auprès d'Intel". Elle accuse également ce dernier d'avoir "effectué des paiements directs" au profit du grand distributeur allemand Media Saturn Holding, "à la condition qu'il ne vende que des PC équipés de processeurs Intel".

A cause d'Intel, les Allemands ne pouvent tout simplement pas acheter chez MediaMarkt, la plus grande chaîne informatique européenne, un ordinateur avec une puce fabriquée en Allemagne? dénonce donc AMD qui avait installé en Allemagne sa principale usine de fabrication.

La mainmise d'Intel sur le marché était telle, qu'un fabricant d'ordinateurs a même refusé de recevoir gratuitement un million de processeurs AMD sous peine de perdre la remise d'Intel sur les millions de processeurs qu'il devait encore lui acheter. "Au bout du compte, le fabricant d'ordinateurs n'a accepté gratuitement que 160.000 processeurs", révèle la Commission dans son communiqué.
Quelles conséquences?

La précision et la sévérité du réquisitoire de Bruxelles n'ont pas empêché Intel de contester la sanction, susceptible d'entraîner, selon lui, des conséquences néfastes sur le prix des PC. Ce que réfute son principal concurrent. "Nos tarifs sont de 30% a 50% inférieurs à Intel. Je ne vois pas comment les prix des PC vont augmenter sans la vraie-fausse remise d'Intel. En revanche, Intel va devoir pratiquer des tarifs plus agressifs, ce qui impactera certainement leur marge", estime Nigel Dessau, le responsable des ventes et du marketing chez AMD.

Au delà du prix, la condamnation d'Intel par l'Europe ouvre la possibilité de changements dans un paysage informatique jusqu'ici verrouillé. Outre AMD, le taiwanais VIA et le britannique ARM, qui compte se lancer sur le marché des netbooks, pourraient en être les bénéficiaires. Mais c'est maintenant aux régulateurs américains de jouer.

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