TOUT EST DIT

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jeudi 10 juillet 2014

Les aberrations du discours économique

Ceux qui proposent des solutions économiques faciles et des boucs émissaires ont de beaux jours devant eux.

L’économie se veut une science. Elle se pique d’utiliser des outils mathématiques complexes, d’utiliser des méthodologies basées sur l’observation de la réalité, déterminant des lois comme la physique. Elle se gausse aujourd’hui des anciens économistes, qui n’utilisaient pas les mathématiques, et n’y fait pas référence, ne les connaissant pas. Sûrs d’eux, les économistes écrivent des articles péremptoires, devenant même des vedettes, comme le si célèbre Paul Krugman.
Pourtant, le discours des économistes est tellement en contradiction avec la réalité, qu’il apparaît plus comme celui d’une croyance, d’une secte, qui veut à tout prix imposer son idéologie.
Ainsi, le discours dominant est que nous sommes passés, depuis les années 1980, à une politique économique dominée par ce qui est appelé le néo-libéralisme, sinon l’ultra-libéralisme. En particulier, le keynésianisme, et son concept de relance par la dépense publique a été abandonné. Les politiques actuelles sont des politiques d’austérité, et la crise montre qu’il faudrait revenir à une politique keynésienne, pour relancer la croissance.
Sporadiquement est même dénoncé une loi de 1973, dite loi Rothschild, qui interdirait à la banque centrale de financer les dépenses de l’État. Comme est dénoncée l’austérité de l’Europe, et plus particulièrement de l’Allemagne.
Ces critiques sont paradoxales. En effet, jamais, en temps de paix, les dépenses publiques et les déficits n’ont été si élevés, jamais la politique monétaire n’a été aussi accommodante, et, surtout, jamais les règles qui régissent l’économie mondiale n’ont été aussi keynésiennes. Jamais les États n’ont eu autant de latitude pour dépenser, jamais la dépense n’a été à ce point érigée comme moteur de l’économie. Et, finalement, jamais la politique économique n’a été aussi dirigiste, à part dans les Républiques Socialistes.
C’est à travers la politique monétaire que s’impose ce keynésianisme. Celle-ci a profondément évolué depuis l’après deuxième guerre mondiale, pour devenir un instrument de politique keynésienne.
Après la seconde guerre mondiale, ce sont les accords de Bretton Woods qui régissaient les monnaies. Le principe était celui des parités fixes par rapport au dollar. La valeur de chaque monnaie était déterminée par rapport au dollar. La valeur du dollar étant également fixe, déterminée par une certaine quantité d’or. C’était une sorte d’étalon or inversé.
Concrètement, ce système limitait la création monétaire. Les États-Unis devaient avoir de l’or pour créer de la monnaie. Les autres pays devaient avoir des dollars pour créer de la monnaie. Bien sûr, la relation n’était pas stricte. Il pouvait y avoir création monétaire dans un pays, mesurée, même si les réserves en dollars n’augmentaient pas. Mais le système imposaient des limites, qui empêchaient de trop grands déficits publics.
Imaginons qu’un pays comme la France se lance dans une politique de dépenses publiques. Ce qui entraîne des achats à l’étranger, ne serait-ce que pour les matières premières. Ces achats sont réglés en dollars. Les réserves de changes deviennent insuffisantes, et c’est la crise monétaire.
Cet exemple n’est pas un cas d’école. La France a ainsi connu plusieurs dévaluations dans les années 1950-1960. Aujourd’hui, ces dévaluations sont considérées comme une politique de relance. Or, cela n’a jamais été le cas. Les dévaluations étaient un symptôme : le pays vivait au dessus de ses moyens. Il fallait donc opérer ce qu’on appellerait aujourd’hui un plan d’austérité. Sans compter que les prix augmentaient du fait de l’augmentation des prix des matières premières. Cela se voyait moins qu’aujourd’hui, car la France était en pleine période de rattrapage économique, et que les prélèvements étant inférieurs aux niveaux actuels, il y avait plus de marges pour les augmenter.
Les accords de Bretton Woods tiraient les conséquences de la crise de 1929. Le protectionnisme et les dévaluations compétitives avaient aggravé cette crise. Le monde ne s’était d’ailleurs pas remis de la Première Guerre Mondiale, qui avait été financée par la création monétaire, et avait détruit la stabilité monétaire qui l’avait précédée. Bretton Woods était une tentative de retrouver cette stabilité.
Mais les accords de Bretton Woods ont été rendus caducs par les États-Unis, qui ne les ont pas respectés. Aujourd’hui, nous sommes dans un système de changes mobiles. Ce qui signifie que la création monétaire n’est plus contrainte par la quantité d’or détenue par la banque centrale américaine, ou la quantité de dollars détenue par les banques centrales des autres pays.
Par conséquent, les banques centrales peuvent manipuler les taux d’intérêt comme elles le veulent. Ce qui permet à la banque centrale des États-Unis, la Fed, de baisser les taux d’intérêt pour soutenir la croissance. Ce que fait également la banque centrale européenne, au mépris de son mandat. Cela n’était pas possible avec les accords de Bretton Woods, sauf pour la Fed. C’est parce que la Fed a laissé la création monétaire s’emballer que ces accords sont devenus caducs.
D’autre part, l’activité des banques est contrainte par les critères de Bâle. Ces critères décident de ce qui est risqué et de ce qui ne l’est pas. Ainsi, les crédits aux États ou les placements dans des obligations d’État sont considérés comme sans risque. En deuxième position vient l’immobilier, comme par hasard à l’origine d’une bulle aux États-Unis, et de la crise actuelle. L’investissement dans les entreprises ou le crédit aux entreprises sont au contraire considérés comme risqués. Si une banque accorde un crédit à un secteur considéré comme étant risqué ou achète des titres financiers d’une entreprise classée à risque, elle doit disposer de plus de fonds propre que si elle investissait dans des secteurs considérés comme moins risqués par la réglementation. Ce qui diminue sa rentabilité. Les banques sont donc fortement incitées à mettre de l’argent dans les obligations d’État. Ajoutons que les agences de notations sont également obligées de tenir compte des critères de Bâle, puisque ceux-ci leur donnent leur rôle actuel.
Nous avons donc une réglementation qui favorise la dépense. D’un côté une banque centrale libre de manipuler les taux d’intérêt à sa guise, et donc de les baisser pour relancer l’économie. De l’autre une réglementation qui favorise l’endettement des États. Jamais, en période de paix, les États n’ont pu s’endetter autant sur une longue période.
Notons aussi cet autre paradoxe, à savoir que nous avons connu après la deuxième guerre mondiale une période de croissance alors que la création monétaire était contrainte. Pourtant, on nous serine aujourd’hui que la création monétaire est la clef de la croissance. Encore un exemple de la déconnexion des économistes vis-à-vis de la réalité.
Toutes les règles qui régissent la monnaie sont orientées vers la dépense publique. Tout est fait pour favoriser la dépense publique. Et la politique monétaire est devenue l’alpha et l’oméga de la politique économique. Les banques centrales pensent contrôler l’économie, en accélérant la croissance ou en la ralentissant, via les taux d’intérêt1.
Existe-t-il encore une science économique ? Le débat est trop politisé. Et les politiciens aiment les solutions faciles. Ceux qui proposent ces solutions faciles et des boucs émissaires ont ainsi de beaux jours devant eux.

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