TOUT EST DIT

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samedi 21 juin 2014

Franz-Olivier Giesbert : les naufrageurs de la France

Face aux syndicalistes antédiluviens de la SNCF, notre pays a plus que jamais besoin d'une classe politique qui sait dire non. 

L'Histoire, en tout cas en France, est une vieille alzheimeriennedont il n'y a, pour l'heure, plus grand-chose à attendre. Observez comme une partie de notre pays gagatise, ces temps-ci, avec la conviction idiote de vivre l'antépénultième page du roman national, avant le grand soir qui ne saurait tarder.
Ce qu'on vit aujourd'hui rappelle les grandes grèves de 1995,quand une certaine France, confite de bêtise et de naïveté, s'était dressée comme un seul homme contre les excellents projets de réforme du Premier ministre de l'époque, Alain Juppé, qui s'était inspirés de travaux de la CFDT. Répétant en choeur les slogans éculés de syndicalistes antédiluviens, elle avait paralysé le pays jusqu'à ce que le gouvernement remballe tout : contre toute logique, les agents roulants avaient obtenu le maintien de leurs exorbitants régimes spéciaux de retraite.
Le mouvement était déjà mené, en ce temps-là, par les syndicats des agents roulants de la SNCF, présentés par la presse bien-pensante comme les fers de lance de la France qui souffre. La farceuse ! Enamourée, voire extatique, elle nous expliquait même qu'ils se battaient, en fait, pour les salariés du secteur privé avec un sens admirable de l'intérêt général. Défense de rire. À les fréquenter dans les trains, on ne peut pas nourrir de griefs contre ces agents, bien au contraire. Ils sont courtois, efficaces et professionnels. Une majorité d'entre eux est même contre cette grève. Mais ce n'est pas le sujet.
Les syndicats ont inventé la grève préventive comme il y a des guerres préventives. Le projet de regroupement du trafic (SNCF) et du réseau (RFF) défendu par le pouvoir ne vise en rien les agents roulants. Mais leur statut étant mirifique (retraite à 50 ans jusqu'en 2017, ensuite à 52 ans), ils sont bien conscients que ces avantages risquent d'être, un jour, remis en question. C'est pourquoi certains de leurs syndicats s'y accrochent comme la bernique à son rocher. Rien de plus humain. Ce que l'on ne comprend pas, en revanche, c'est la complaisance insane à leur égard de ceux qui réclament le retrait de la réforme, à gauche mais aussi dans l'opposition, comme Luc Chatel, un ancien ministre sarkozyste, incarnation de la droite "oui-oui", celle qui, au premier conflit, n'écoutant que son courage qui lui dit de se cacher, passe sous la table.
Le syndrome Chatel est une maladie dont la droite doit se guérir au plus vite si elle ne veut pas continuer, en alternance avec la gauche, à précipiter la France dans le déclin. C'est ce mélange neuneu de mollesse et de lâcheté qui, depuis plus de trois décennies, a tenu lieu de politique à nos grands partis. Il serait temps que l'UMP cesse d'être aussi sectaire que le PS quand il est dans l'opposition. Qu'elle commence à ne plus avoir peur de son ombre. Qu'elle songe enfin au bien commun et refuse les réflexes à la Chatel, qui commande de se coucher devant la première grève venue.
Ceux qui ont mis la France dedans, ce sont évidemment les corporatismes chauvins,représentés jusqu'à la caricature par les braillards de la CGT ou de Sud, qui, avec 14 % seulement de grévistes à la SNCF, bloquent le pays. Les profiteurs sans gêne de la SNCM qui, depuis si longtemps, travaillent avec acharnement à couler leur instrument de travail, pour le grand bonheur de Corsica Ferries. Les lois débiles sur les RTT grâce auxquelles la France est en bas du tableau en matière d'heures travaillées annuellement.
La liste des naufrageurs du pays est sans fin. Les jean-foutre de l'idéologie du déficit budgétaire qui plombe la croissance au lieu de la relancer. Les Don Quichotte de la dépense publique et les pythonisses de l'impôt-roi. Les autruches franchouillardes qui refusent de prendre exemple sur les réussites économiques allemandes, suédoises ou canadiennes. Sans oublier la culture irresponsable de l'endettement de l'État avec laquelle M. Balladur, son champion infatué, tenta de gagner la présidentielle de 1995 en faisant des chèques à la chaîne, avec le succès que l'on sait. Les niquedouilles des médias ne sauraient être exonérées, qui ne savent pas séparer le bon grain de l'ivraie, les conflits sociaux justes et les opérations de racket syndical comme celle de la SNCF. La pleutrerie bonasse de la gauche ou de la droite a fait le reste.
Plus que jamais, notre pays a besoin d'une classe politique qui sait dire non : ce n'est pas une histoire de droite ou de gauche, mais de simple bon sens. Pour une fois que le pouvoir socialiste fait preuve de fermeté face aux corporatismes, le minimum de patriotisme, pour l'opposition, serait de le soutenir avant de le vitupérer sur le reste de sa gestion, comme c'est son devoir. Il n'y aura pas de redressement sans esprit de responsabilité. 

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