TOUT EST DIT

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jeudi 1 mai 2014

Philippe Tesson : Manuel Valls, le confusionniste


Manuel Valls semblait singulièrement manquer de conviction hier dans son discours devant l'Assemblée. C'est la première raison qui explique qu'il ne nous ait pas convaincus et qu'il n'ait pas convaincu davantage son auditoire. Une majorité de 33 voix, c'est peu en réponse à ce qu'il venait de déclarer : "Le résultat du vote conditionne la légitimité du gouvernement." 
Il n'y avait ni dans la voix ni dans les propos du Premier ministre ni la vigueur ni la chaleur qu'on attendait. Il paraissait accablé par l'abondance des intentions qu'il proclamait. Curieusement, cet inventaire laborieux ressemblait plus à un discours de politique générale ou à un programme de gouvernement qu'à l'exposé d'un plan d'économies de 50 milliards d'euros. Cette intervention a en effet largement dépassé les limites de son objet, qui était d'obtenir l'adhésion des parlementaires au pacte de responsabilité et de solidarité. Alors qu'il s'agissait de faire passer la pilule relativement modeste de la première étape d'une politique de rigueur, Valls a élargi son propos aux dimensions d'un projet hors de proportion avec cet enjeu. C'est ainsi qu'il a énuméré un catalogue de priorités dont la plupart n'avaient plus rien à voir avec le sujet.
Tout dans la bouche du Premier ministre devenait priorité : la lutte contre les déficits, l'emploi et la croissance, certes, mais à quoi il a ajouté la lutte contre la pauvreté, l'école, la justice, la sécurité, le logement, la réforme territoriale, etc. Bref, la priorité comme principe de gouvernement ! On est dans l'absurde. En même temps qu'il déclare : "Préparer l'avenir, c'est choisir des priorités", Valls banalise complètement, et le mot et la chose, au mépris de la plus élémentaire hiérarchie. Cela s'appelle le confusionnisme. À peine nommé, il tombe dans le piège de la promesse inconsidérée, à un moment critique de la situation des finances de l'État, et tout en s'engageant à mettre fin à la hausse des impôts. C'est le second motif qui explique qu'il n'ait pas emporté notre conviction, celle des gens de bon sens.

"Valls est à gauche"

Ainsi, après les autres, comme les autres, se référant une fois de plus à Pierre Mendès France et affirmant qu'il faut "dire la vérité", et la disant lorsqu'il s'agit d'analyser l'état de la France, Valls l'esquive-t-il lorsqu'il s'agit d'imposer les remèdes à nos maux, alors qu'il était réputé plus qu'un autre comme capable de le faire. Ainsi, affirmant, toujours comme Mendès France, qu'il faut "dénoncer les illusions", les entretient-il. Par manque de courage. Par déficit d'autorité et de légitimité. Quelle est sa force en effet, alors que le pays vient de désavouer la politique de sa famille, que sa majorité parlementaire se disloque et qu'il joue le rôle ingrat de béquille d'un président discrédité ? Son discours avait des accents d'appel au secours. Finie l'arrogance idéologique ! Vive les riches ! Vive l'entreprise ! Et bien sûr, vive la justice sociale ! Il y en avait pour tout le monde hier. Même pour l'opposition.
La part civique de chacun de nous ne souhaite pas l'échec de Manuel Valls. On ne sera jamais aussi sectaire qu'un socialiste. On l'attend tout simplement aux actes. On ne lui en demande pas tant qu'il promet. On attend d'abord qu'il réalise les objectifs du pacte de responsabilité. C'est le minimum. S'en est-il donné les moyens, les lui a-t-on vraiment donnés ? Le vote d'hier montre qu'on ne l'a fait qu'avec réticence. Il va falloir au Premier ministre un singulier courage, une singulière volonté, pour vaincre les obstacles que vont dresser les siens sur sa route, sachant de surcroît que ce pacte de responsabilité si laborieusement élaboré n'est que la première étape du "redressement" de la France.
Il fallait aller plus vite et plus fort. Valls est à gauche parmi ceux qui ont conscience de cet impératif, que la droite elle-même avait, mais en vain, tenté d'assumer. On a eu à travers le vote hésitant de l'Assemblée la confirmation que la gauche n'est pas prête à le faire. L'avenir de notre pays passe pourtant par une remise en question radicale des pesanteurs et des illusions sur lesquelles il vit. Valls ou non, la majorité actuelle n'est pas celle qui réalisera cette espérance.

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