Le système de redistribution français est archaïque. Il repose sur une société des années 1970-1980, alors que les problèmes sociétaux et économiques d’aujourd’hui sont très différents. Le résultat est que la société devient de plus en plus inégalitaire, abandonne de plus en plus de laissés-pour-compte en dépensant de plus en plus d’argent public. Il faut changer de vision, armer les jeunes et les moins qualifiés de moyens, plutôt que de les anesthésier de transferts sociaux toujours plus insuffisants.
Le système social date d’une époque où la famille était solide et les divorces plutôt rares (4 pour mille mariages en moyenne par an jusqu’en 1982), où le taux de chômage était faible (4,5 % en moyenne jusqu’en 1982), l’espérance de vie à la retraite faible (moins de dix ans). Il s’agissait alors de corriger des accidents de parcours marginaux. L’ascenseur social marchait à plein et les inégalités salariales ne nécessitaient qu’une faible correction par les transferts et l’impôt. On pouvait compenser les accidents de parcours avec des dépenses de chômage faibles et temporaires. Les retraites ne couvraient qu’une petite période de la vie active.
La situation est différente aujourd’hui. Le taux de divorce est élevé, les mères célibataires nombreuses. L’espérance de vie à la retraite a plus que doublé. Les accidents de parcours professionnels touchent de façon chronique une part de plus en plus importante de la population. L’ascenseur social ne fonctionne plus et le chômage structurel des peu qualifiés est le double de celui des qualifiés. La correction des inégalités ex-post est un échec : elle met des populations entières sous perfusion de transferts sociaux, sans leur donner l’espoir de pouvoir améliorer leur situation demain.
Il faut reformer notre système pour donner la capacité aux populations déclassées d’avoir demain une vie meilleure qu’aujourd’hui et l’espoir que celle de leurs enfants sera encore meilleure. Pour cela, l’ascenseur social doit être réactivé, et les populations sans emploi ou en sous-emploi soutenues pour se requalifier et réintégrer le monde du travail de façon durable. Cela passe par une réforme de l’éducation de la petite enfance à la vie professionnelle ; par une réforme des politiques de l’emploi. Il ne s’agit plus de se contenter d’indemniser, mais de remettre les chômeurs en emploi grâce à une vraie formation professionnelle et un accompagnement jusqu’à l’emploi. Cela passe par la réforme des contrats de travail.
Cela passe aussi par l’abandon d’un de nos plus grands dogmes : les transferts sociaux doivent cibler les démunis et non être repartis sur l’ensemble de la population. Cela veut dire des allocations familiales et des structures de garde d’enfants permettant d’abord aux femmes seules ou aux deuxièmes salaires des foyers à faible revenu de travailler. Cela veut dire une assurance-chômage qui déplafonne les allocations actuelles plus fort et plus rapidement qu’aujourd’hui mais prend mieux en charge les moins qualifiés. Et cela veut dire un budget de la formation professionnelle qui ne finance pas les cours de photos des cadres sup, mais plutôt la formation des employés les moins qualifiés. C’est remettre en question notre système, coûteux et inefficace.