Les faits - Les Français ont confirmé et amplifié dimanche une vague bleue au profit de l'UMP et de ses alliés, tandis que la Front national se retrouve à la tête de dix villes. Les listes de droite s'imposent avec 49% des voix au niveau national, contre 42% à la gauche et 9% au FN, d'après BVA. Le PS sauve Paris et Strasbourg mais perd Toulouse, Nevers, Roubaix, Limoges, Pau... Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a déclaré que la responsabilité des mauvais résultats de la gauche était «collective» et qu'il y prenait «toute sa part».
Les Français ont confirmé et amplifié dimanche la vague bleue qui s’était levée le 23 mars. La gauche est atteinte dans ses bastions historiques, comme Limoges, Roubaix, Nevers, Brive-la-Gaillarde ou Belfort. Elle a aussi vu repasser à droite des villes importantes gagnées d’un souffle par le PS en 2008, comme Toulouse, Amiens, Reims, Saint-Etienne ou Laval. Étonnamment, certaines villes ont résisté à la vague bleue, comme Strasbourg, Metz ou Rouen. Mais globalement, « des dizaines d’années d’implantation locale sont détruites en quelques semaines », observait dimanche soir Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de Gauche.
Par sa force, cette vague ne ressemble pas aux municipales de 2001 (Paris et Lyon avaient alors sauvé l’honneur pour les socialistes, cachant des dizaines de défaites), mais bien davantage aux législatives de 1993, qui avaient laissé le groupe PS à l’Assemblée nationale exsangue avec seulement 57 députés. Le FN progresse partout, et le sursaut de participation espéré par les socialistes n’a pas eu lieu. Les électeurs de gauche ne se sont pas mobilisés pour épargner le pouvoir en place, en dépit du message de François Hollande durant l’entre-deux tours, selon qui leur colère avait été « entendue ».
Les responsables du PS, contrairement au déni qui dominait chez eux au soir du premier tour, ont cette fois-ci reconnu la défaite dès 20 heures sur les plateaux de télévision dimanche soir. Il est vrai qu’ils s’y attendaient. « Si on a deux joues, c’est pour qu’on ait deux claques », disait la semaine dernière Jean-Jacques Urvoas. L’aile gauche avait tellement anticipé la défaite qu’elle publiait, quelques minutes après vingt heures, un appel pour que le président de la République tire les conséquences de cette gifle : « Il ne s’agit pas d’“envoyer des signaux de gauche” à notre électorat, il faut changer de cap », écrivent les responsables du courant d’Emmanuel Maurel.
Dès avant le premier tour, Nicolas Sarkozy avait prédit devant des élus que la gauche allait se prendre « une casquette ». C'est bien plus que cela. Cette grande victoire comporte plusieurs conséquences importantes pour l’UMP. Le parti de Jean-François Copé n’avait plus remporté de scrutin local depuis les municipales de 2001. Les derniers avaient été particulièrement douloureux. Aux municipales de 2008, la droite avait perdu 83 communes de plus de 10 000 habitants. Depuis les régionales de 2010, elle ne détient plus qu’une seule région, l’Alsace. Cette victoire marque le début de la reconquête territoriale, qui connaîtra une deuxième étape avec les régionales et départementales de 2015.
Autre bonne nouvelle pour la droite : le FN n’a pas été un problème. Les triangulaires ne l’ont pas empêché de gagner Reims, Amiens ou Saint-Etienne.
Pour le Front national, la conquête de dix villes (Béziers, Fréjus, Cogolin, Hayange, Villers-Cotterêts, Beaucaire, Le Pontet, Le Luc, Camaret, après Hénin-Beaumont) est atténuée par la défaite des deux « ténors » du parti de Marine Le Pen, celle (prévisible) de Louis Aliot à Perpignan, et celle (moins attendue) de Florian Philippot à Forbach. Le FN espérait aussi faire un « coup » à Avignon, et l’a manqué. « Il n’y a pas de vague bleu marine » a ainsi pu déclarer dès 20 heures Alain Juppé.
Mais le bilan reste néanmoins très favorable pour le parti de Marine Le Pen, avec aussi la conquête du 7e secteur de Marseille pour Stéphane Ravier, et un FN qui fait jeu égal avec le PS en sièges au Conseil municipal de la ville. En battant son record de trois villes gagnées en 1995 (une quatrième s’y était ajoutée en 1997), le FN est en mesure d’envisager un enracinement local qui était le cadet des soucis de Jean-Marie Le Pen, mais dont Marine Le Pen a fait au contraire la condition sine qua non pour arriver un jour au pouvoir. Le FN va ainsi disposer d’un vrai vivier pour les échéances électorales de 2015. Et se prépare à faire de très gros scores aux européennes du 25 mai.
Ces dernières semaines, l’exécutif s’était auto persuadé que le vote sanction serait finalement assez marginal. Incroyable erreur ! Bâtissant son plan de bataille municipal sur un constat totalement faux, les responsables de l’exécutif et les « spécialistes » de la carte électorale, rue de Solférino, soutenaient mordicus quelques jours avant le premier tour, que même Marseille pouvait basculer. L’histoire, au vu des résultats, fait sourire mais c’est à partir de tel raisonnement que les stratèges socialistes sont partis en conquête, la fleur au fusil…
On connaît la suite. La première lame de fond a tout bousculé dès le 23 mars, la deuxième a fini par couper les têtes par dizaines. Les battus se ramassent à la pelle. A Quimper, Bernard Poignant, le maire sortant, ami de François Hollande et conseiller élyséen, a été sorti sans ménagement par un quadra UMP qui a totalisé 56 % des voix. La claque historique n’en est que plus violente. A Grenoble, le candidat PS est même battu par un écologiste, à Montpellier et La Rochelle par un dissident PS. François Hollande se retrouve dans la peau d’un chef de guerre avec des troupes en guenilles, lui-même n’a finalement plus beaucoup de cartes dans son jeu.
Le chef de l’Etat a beau dire que l’on ne récupère pas l’électorat « par des mouvements de personnel », il aura quand même du mal à conserver son Premier ministre à la tête du gouvernement et même certains de ses ministres, qui ont accumulé les bourdes et les couacs en série. Il y a quelques semaines, François Hollande confiait à l’Opinion cette loi d’airain de la V
e République sur les relations d’un président avec son premier Ministre : « Il faut ne rien s’interdire, ce serait une faute majeure. Ce serait donner au Premier ministre une importance qu’il n’a pas. On n’est pas élu sur un ticket pour faire tout le quinquennat ensemble… » Comme si les heures de Jean-Marc Ayrault étaient comptées.