TOUT EST DIT

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lundi 31 mars 2014

La dernière chance de François Hollande

La dernière chance de François Hollande


Ce n'est pas une vague, c'est un tsunami! Le premier tour avait été cruel pour François Hollande, le second est assassin. Amplifiée par une abstention galopante, la débâcle rose est quasi générale. Elle était, au fond, prévisible: de révolte fiscale en Manif pour tous, la colère qui nourrit depuis deux ans l'impopularité abyssale de l'exécutif ne pouvait pas ne pas s'exprimer dans les urnes. Il fallait à nos dirigeants tout l'entêtement satisfait de ceux qui ne veulent rien entendre ni rien voir pour penser un seul instant qu'ils pourraient échapper au désastre.
Cette fois, impossible de nier la réalité! Cette raclée historique, qui en annonce beaucoup d'autres (européennes, sénatoriales, régionales…), est un terrible réquisitoire contre ce quinquennat entamé dans l'illusion et qui, à mi-course, sombre déjà dans le discrédit. Elle sanctionne la faillite d'une politique qui a spectaculairement échoué en matière économique (chômage record, déficits galopants, impôts délirants) mais qui n'a pas su davantage tenir la promesse fondatrice d'apaiser le pays et de réconcilier les Français. Elle sanctionne aussi l'échec d'un homme qui, sauf en de rares occasions, n'aura jamais su se hisser à la hauteur de sa fonction, et qui, sous peine de se voir entraîné dans une spirale de rejet aux conséquences imprévisibles, doit aujourd'hui réagir vite et fort - tout ce qu'il déteste.
Mais que peut faire François Hollande?Remanier son gouvernement? Ce ne serait pas du luxe, tant l'équipe actuelle a brillé par son incohérence et son amateurisme, mais ce n'est évidemment pas à la hauteur du message envoyé par les Français. Changer de premier ministre? Ce n'était pas l'intention du chef de l'État. Au point où en sont les choses, on voit mal, cependant, comment il pourrait y échapper. 50 milliards d'économies, c'est peu de chose au regard de ce qui est nécessaire, mais c'est davantage qu'aucun gouvernement, fût-il de droite, a jamais accompli. Qui peut croire que Jean-Marc Ayrault a encore l'autorité nécessaire pour assumer devant la nation une telle politique, et l'imposer à une majorité que la défaite aura chauffée à blanc? S'il veut sauver ce «pacte de responsabilité» dont il a choisi de faire sa planche de salut, François Hollande doit se séparer de Jean-Marc Ayrault.
Manuel VallsLaurent Fabius? Le rival de demain ou celui d'hier? Celui qui rêve de s'asseoir à la place du président ou celui qui n'a jamais cessé de penser qu'il l'occupait indûment? Un troisième homme qui éviterait au président d'avoir à trancher ce dilemme? Que l'on ne s'y trompe pas: le grand charivari passionnera les journalistes quinze jours, les Français un peu moins longtemps, mais il ne changera rien au fond des choses. François Hollande le sait bien - et c'est pour cela qu'il hésitait hier encore à se séparer d'Ayrault: l'effet d'un changement de premier ministre est un feu de paille s'il ne s'accompagne d'un changement de politique.
«Le tournant! Le tournant! Le tournant!» C'est précisément ce que lui réclame sur l'air des lampions le chœur des éclopés de l'armée rose. Une vraie «politique de gauche», enfin, qui renoue avec les promesses de la campagne! Sus aux «riches»! Haro sur la «finance»! Du pouvoir d'achat et des allocations, financés par le déficit et la dette comme au bon vieux temps! Voilà, n'est-ce pas, qui ramènerait à la gauche ses électeurs enfuis…
Ce tournant, qui va aux antipodes de son pacte de responsabilité,François Hollande l'a dit et redit, il ne l'accomplira pas. Tant mieux! Il n'y a au fond pas grand mérite: le voudrait-il qu'il ne le pourrait pas! Placée sous surveillance par Bruxelles, attendue au tournant par les agences de notation, la France, prise à la gorge par la contrainte extérieure, ne peut tout simplement plus se permettre ce genre de fantaisie. Si François Hollande donnait si peu que ce soit le sentiment d'emprunter le chemin de la facilité, nous serions aussitôt sanctionnés par nos créanciers. Étranglée par le renchérissement de sa dette, la France n'attendrait pas six mois avant de voir débarquer, comme d'autres, les tuteurs du FMI…
Aux vertiges du tournant à gauche, le plus probable est donc que François Hollande va prétendre opposer la logique de la continuité. C'est un moindre mal, mais qui peut penser que c'est suffisant? Bien sûr, le président peut continuer, comme il le fait depuis des mois, à ménager la chèvre et le chou. Reculer d'un pas quand il avance de deux. Proclamer sa conversion à la politique de l'offre et continuer d'accabler les créateurs de richesse de taxes et de réglementations. Afficher à Bruxelles de courageux objectifs de réduction de la dépense publique tout en concédant à Paris les accommodements qui les vident de leur contenu. Il peut même annoncer une baisse d'impôts pour les plus modestes avant d'avoir réalisé la moindre économie! Le hic, c'est que c'est cette politique qui l'a conduit là où il en est - et la France avec lui! Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, s'il continue de finasser en attendant la croissance qui ne sera jamais assez forte pour sortir le pays du marasme où il se traîne, la catastrophe, retardée, ne sera pas évitée. Gare! Après la carte du changement du premier ministre, il ne restera à François Hollande que celle de la dissolution, contrainte et forcée.
Reste «l'autre» tournant. Celui que François Hollande n'a pas su prendre au lendemain de son élection, quand la Cour des comptes lui avait pourtant donné tous les arguments pour l'inscrire sur le compte de «l'héritage» laissé par Nicolas Sarkozy. Un tournant non pas «social-démocrate» (nous n'en sommes plus là!) mais clairement et résolument «social-libéral». Une vraie politique de l'offre qui débarrasse enfin les entreprises de ces contraintes absurdes qui les découragent d'embaucher. Une vraie politique d'économies budgétaires qui se fixe pour objectif l'équilibre de nos finances publiques et la baisse générale des impôts. De vraies réformes de structure pour adapter notre État-providence aux contraintes de la mondialisation et libérer l'emploi… Faire la révolution du socialisme, c'est la dernière chance du président.
Oh!, bien sûr, ce tournant-là sera fort mal accueilli par nombre d'électeurs de François Hollande qui y verront - à juste titre - une trahison des engagements de sa campagne. Le chef de l'État, s'il trouve en lui le courage d'emprunter ce chemin difficile, devra batailler ferme contre sa propre majorité. Sa courbe de popularité, dans un premier temps, n'en sera pas améliorée. Mais il n'est pas exclu (à considérer ce qui se passe chez nos voisins, c'est même le plus probable) qu'une telle politique, à terme, produise des résultats. S'ils arrivent assez tôt pour qu'il en tire un bénéfice politique, François Hollande restera dans l'histoire comme un autre Tony Blair: l'homme de gauche qui n'a pas craint de briser les tabous de la pensée socialiste, et qui a été réélu deux fois. En 2017, tous les espoirs lui resteront permis.
Et si ça ne marche pas, ou trop tard, ou trop peu pour que les électeurs lui en sachent gré? C'est une hypothèse que l'on ne peut évidemment pas écarter. Alors, le président sortant sera battu en 2017, mais avec les honneurs, tel un Gerhard Schröder, réformateur socialiste électoralement malheureux mais à qui l'avenir a rendu justice. Une défaite, fût-elle glorieuse, on conçoit que cela ne fasse pas rêver François Hollande! Mais, à tout prendre, ne vaut-il pas mieux échouer en homme d'État que d'être chassé, tel Georges Papandréou, sous les huées?

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