mercredi 5 février 2014
Un président sous perspective négative
François Hollande, lors de ses voeux puis de la conférence de presse du 14 janvier, a annoncé un tournant à 180 degrés de sa politique économique. Il a prononcé l'acte de décès de la stratégie appliquée depuis son élection, qui a provoqué un désastre sans précédent depuis la relance à contre-courant de 1981. La France, comme vient de le souligner le FMI, passe à côté de la reprise des pays développés, l'activité stagnant à moins de 1 % alors qu'elle est réévaluée partout ailleurs (2,8 % pour les États-Unis, 2,4 % pour le Royaume-Uni, 1,8 % en Allemagne). Loin de s'inverser, la courbe du chômage continue à progresser et atteindra en 2014 plus de 11 % contre 5 % en Allemagne, 6 % aux États-Unis et 7 % au Royaume-Uni. En dépit d'un choc fiscal de 3,5 % du PIB en trois ans, la dette publique dépassera 95 % du PIB fin 2014.
Après vingt mois placés sous le signe du déni, le quinquennat de François Hollande a commencé en janvier 2014. Mais il risque de s'achever très vite si le tournant de la compétitivité échoue. Les conditions de son succès sont au nombre de quatre : la cohérence de la nouvelle ligne ; son application rapide via une batterie de mesures opérationnelles ; la mobilisation des forces économiques et sociales ; et un changement de gouvernement, car nul n'a jamais engagé un programme de redressement avec les responsables de la faillite. Force est de constater qu'aucune de ces conditions n'est pour l'heure remplie.
Pour ce qui est de la ligne stratégique, la valse hollandaise a repris dès le 15 janvier, selon sa chorégraphie habituelle : un pas dans la bonne direction, un demi-tour à gauche, deux pas en arrière. Le changement de cap n'était pas plus tôt annoncé que la litanie des voeux a fourni l'occasion d'autant de renoncements : les baisses de dépenses excluent l'éducation, les fonctionnaires qui se sont vu promettre par le Premier ministre que les réformes ne se feraient pas "sur leur dos", les départements, qui - Corrèze oblige - ont été sanctuarisés. L'indispensable baisse des impôts a été annoncée pour 2015, avant d'être soumise à un feu roulant de conditions suspensives concernant la croissance et les baisses de dépenses qui la réduisent à un voeu pieux. Enfin, la réforme du marché du travail est mort-née avec le refus de toucher aux règles de l'assurance-chômage afin d'amadouer les syndicats.
La plus grande confusion préside à la préparation du plan opérationnel. Le flou est à son comble pour ce qui est du pacte de responsabilité. Le financement des 30 milliards de baisses de charges correspondant aux cotisations familiales acquittées par les entreprises reste inconnu. Les contreparties demandées aux entreprises répondent à une logique purement politique et sont irréalistes compte tenu de leur situation, marquée par l'effondrement historique de leur taux de marge (27,7 %), les sureffectifs (200 000 à 250 000 personnes), la stagnation de l'activité, et par une fiscalité qui reste dissuasive. Les baisses de dépenses sont dans les limbes, dans leur montant comme dans leur répartition.
Orgie. L'objectif est limpide : les dépenses publiques qui s'élèvent à 1 125 milliards d'euros doivent être diminuées de 50 milliards en trois ans pour être ramenées à 1 075 milliards en 2017. Les chiffres avancés sont trompeurs, car ils comptabilisent, comme dans le budget de 2014, la moindre progression des dépenses en économies ; par ailleurs, ils intègrent des mesures déjà annoncées dont la réalisation est très aléatoire. Enfin, l'improbable "Airbus de la transition énergétique" se heurte frontalement tant au caractère malthusien des objectifs retenus par la France (la réduction de moitié de la consommation d'énergie d'ici à 2050 et la diminution de la part du nucléaire de 75 à 50 % de la production d'électricité) qu'à la divergence radicale de la France et de l'Allemagne en matière de bouquet énergétique, de réseaux, de fonctionnement du marché européen et de contenu de la transition énergétique.
Du point de vue des forces politiques et sociales, François Hollande se trouve dans la situation paradoxale de n'être soutenu que par le patronat, tandis que syndicats et opposition misent sur son échec. Un échec dont la probabilité est renforcée par le contraste entre la nouvelle donne économique et l'immobilisme politique. Le symbole en est donné par le Conseil stratégique de la dépense publique, qui réunit tous ceux qui ont orchestré l'orgie de dépenses et d'impôts supplémentaires. Comment peut-on attendre du ministre du Budget qu'il diminue les dépenses alors qu'il nie la responsabilité de la hausse des impôts dans l'effondrement de la croissance et les 11 milliards d'euros de moins-values fiscales en 2013 ? Qui peut croire que le ministre du Travail, qui a promis l'inversion de la courbe du chômage par la seule multiplication des emplois aidés dans le secteur public, parviendra à convaincre les entreprises d'embaucher ? Qui est plus mal placée pour améliorer l'efficacité des services publics que la ministre de la Réforme de l'État, qui a supprimé le jour de carence des fonctionnaires qui avait pourtant réduit l'absentéisme de 40 % et économisé 160 millions d'euros ?
L'agence Moody's exprime parfaitement les doutes que concentre la France, qui est plus que jamais l'homme malade de l'Europe, suscitant l'inquiétude de ses citoyens, des marchés financiers, de nos partenaires et de nos alliés. La notation Aa1 est maintenue sous perspective négative, avec l'annonce d'une dégradation prochaine si le pacte de responsabilité n'est pas mis en oeuvre ou si la dette dérape vers 100 % du PIB. Cette stabilité résulte uniquement de facteurs extérieurs : le faible niveau des taux d'intérêt en raison des politiques monétaires expansionnistes des États-Unis et du Japon ; la réduction des tensions financières dans la zone euro, qui réduit l'exposition aux dettes des pays périphériques. En revanche, Moody's souligne l'aggravation des faiblesses propres de notre pays : la chute de la compétitivité, de l'innovation et des exportations, donc de la croissance potentielle ; la dégradation structurelle des finances publiques du fait de la dérive des dépenses et du refus de l'impôt lié à une fiscalité excessive ; l'absence de réforme du marché du travail, la faiblesse de la concurrence sur les marchés des biens et services ; enfin, la montée de la violence politique et sociale.
La clarification peine à s'inscrire durablement dans les mots et plus encore à se traduire dans les actes. Son plus grand ennemi est François Hollande, du fait du rapport biaisé qu'il entretient avec la réalité. Dans l'ordre de la politique et du symbole qui est le sien, il pense avoir fait l'essentiel en changeant de discours. Dans l'ordre de l'action et de l'histoire, tout reste à faire. Mais peut-il vraiment le faire alors qu'il en récuse l'existence ?
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire