La mesure qui suscite le plus de polémique est la pénalisation des clients de prostituées, le texte prévoit une amende de 1500 euros et de 3000 euros en cas de récidive. Un deuxième point important de la loi concerne la possibilité de réintégration des prostitués, chose non négligeable quand on sait que sur les 20000 à 40000 prostituées recensées par le ministère de l’intérieur, seulement 10 à 20 % sont des prostituées dites traditionnelles, les autres étant des immigrées, qui pourront grâce à cette loi obtenir des papiers en France. La députée socialiste Catherine Coutelle, co-auteure de la loi qui veut sanctionner les clients de prostituées nous a expliqué pourquoi cette loi est nécessaire maintenant et comment elle va s’appliquer :
Pourquoi avez-vous lancé ce projet de loi maintenant ?
Cette une proposition de loi, ça veut dire qu’elle vient du parlement, des députés. C’est le résultat d’un travail de 3 ans, depuis 2010 de divers députés de cette majorité comme de l’ancienne, autours de la prostitution et surtout autour de son évolution récente pour les pays occidentaux, qui est que la prostitution est alimentée par la traite des êtres humains, par l’arrivée de personnes prostituées conduites chez nous en France par des réseaux mafieux. Ces réseaux mafieux viennent chercher leurs proies, soit en Afrique, dans des villages en promettant des meilleures conditions de vie, du travail, des formations, soit dans l’Europe de l’Est en Bulgarie, Roumanie ou Albanie, soit pour la région parisienne en Chine. Ce sont des réseaux, qui prennent en charge ces personnes, les amènent et là ces personnes découvrent qu’elles ont des dettes à l’égard des personnes qui les ont faites passer, entre 40000 et 60000 euros. Et la manière de rembourser les dettes, c’est de se prostituer.
Est-ce qu’il y a des chiffres précis ?
Il y a des chiffres officiels, selon le ministère de l’intérieur et les associations il y aurait en France 40000 prostitués, alors qu’il y en a 400000 en Allemagne, qui réglementarise ça. 20000 à 40000 dont 90 % sont des personnes d’origine étrangère, 80% victimes de la traite et 80 % des femmes.
Comment peut-on pénaliser un client si la prostitution est légale en France ?
Nous n’avons pas voulu faire la prohibition, car dans la prohibition tout le monde est coupable, même les prostitués que l’on peut arrêter et emprisonner. Pour nous ce sont avant tout des victimes et les clients sont coupables on peut les arrêter et les sanctionner. Notre esprit n’est pas dans la prohibition, la prostitution reste autorisée, mais le client fait parti de ce système de prostitution. C’est un commerce, un commerce de chaire humaine, un achat d’acte sexuel, un commerce de personne, alors il y a les gens qui fournissent le produit qui sont les mafias, il y a les prostitués et il y a les clients qui demandent ce commerce et donc c’est à eux que nous devons envoyer un signale en disant, qu’en étant un client de la prostitution vous aidez à monter des réseaux et des mafias. Les formes de prostitution sont diverses et variées, il y a la prostitution de rue, il y a aussi beaucoup de prostitution dans des bars, des salons de massage, dans des appartements, dans des hôtels. Il y a différentes formes de prostitution, 80% sont issus de la traite, mais il y a aussi des raisons économiques qui peuvent pousser certaines femmes à se prostituer, mêmes des étudiantes. Le signal est envoyé à tout le monde, la loi s’applique à tout le monde.
Le deuxième point clef de cette loi est la possibilité de régularisation des personnes qui sortent de la prostitution. De quoi s’agit-il exactement ?
Pour nous le principal de la loi c’est deux articles sur 20. Le premier article c’est de lutter contre les réseaux et le proxénétisme y compris sur Internet. Le deuxième volet c’est d’aider les personnes prostituées à sortir si elles le souhaitent. Or comme elles sont étrangères, pour s’en sortir il faut plusieurs conditions, être accompagné d’associations, ça se fait au cas par cas et on sent l’envie de s’en sortir. A partir de là la personne entre dans un parcours de sortie de prostitution et la loi française dit aujourd’hui qu’on attribut des papiers à ces personnes seulement lorsque leur proxénète est condamné, donc un cheminement extrêmement long et chaotique, qui n’aboutit pas. C’est ça que nous changeons, dans un premier temps nous leur donnons temporairement des papier, pour qu’elles puissent vivre en sécurité et pour que les associations aient le temps de travailler avec elles, du point de vue de la santé, de la recherche de travail, de la formation éventuellement, d’un logement etc. Nous donnons un titre de séjour temporaire et une allocation qui s’appelle allocation temporaire d’attente et si le travail se prolonge elle entrera dans un dispositif d’accompagnement pour sortir de la précarité.
Il s’agit bien de légaliser des personnes qui se trouvent en situation irrégulière en France.
Il y a quand même des conditions, il y aura une commission départementale avec le préfet, qui est pour nous l’autorité de l’état. Ce sont quand même des esclaves que l’on a amené dans notre pays, ce sont des victimes. On ne peut pas donner automatiquement à toutes les prostituées des papiers, mais si la personne prostituée fait ce parcours et est accompagnée d’une association à ce moment là il faut sécuriser sa situation en France et lui donner un document qui lui permette de rester là sans que la police lui dise de repartir chez elle.
Comment vous prévoyez de sanctionner les clients sur Internet ?
Nous attendons une mission du ministère de l’intérieur, pour savoir comment faire pour fermer les sites, pour l’instant ça passe par les juges. On n’arrête pas les clients sur Internet, nous sommes allé voir un service que l’on a en France, qui s’appelle « les cyber gendarmes », ce sont des gendarmes dans un centre en France, qui surveille tout ce qui se passe d’illicite en France, la pédophilie, la pédopornographie, le trafic de drogue, le trafic d’armes, les réseaux mafieux, les terroristes, sur Internet il se passe beaucoup de choses. Or aujourd’hui il suffit de taper « escort girl » sur Internet et vous avez des dizaines de noms. On peut faire comme les Suédois, c’est à dire suivre ces personnes qui ont des petites annonces de prostitution et là en suivant les discutions on peut savoir où est le rendez-vous. On le prend alors en flagrant délit et on constate avec la personne qui vient de faire commerce qu’il y a eu un échange d’argent et à ce moment là il y a une amende.